Macau la portuguaise et Hong Kong en expatriés
Nous quittons Taïwan et son rythme insulaire pour débarquer à Macau où nous attendent Maria et Wesley, des amis de notre inénarrable hôte taiwanais: Michel. Ils sont tous les deux rares originaires de Macau et viennent nous chercher à l'aéroport pour nous orienter vers l'appartement du beau-père de Loc, un autre de leurs amis macanais communs. Le beau-père est trop vieux pour monter les huit étages et n'y habite plus, il nous est donc prêté pour la seule nuit que nous allons passer dans ce petit "pays" de 30km2!
Bien calés dans nos taxis nous découvrons d'abord la partie récente de Macau : des palaces énormes et criards de lumière qui poussent comme des champignons à perte de vue depuis la légalisation des jeux d'argent en 2006! On se croirait à Las Vegas, sauf qu'ici le chiffre d'affaire y est quatre fois plus élevé grâce aux touristes principalement chinois qui viennent y dépenser des milliards de Patacas chaque année. Le Venetian est le plus populaire de ces hôtels de grand luxe, à l'intérieur canaux et gondoles rappellent la ville italienne, mais il y a aussi le Parisian, le Rio , etc. Chacun propose des spectacles plus grandioses les uns que les autres et le Cirque du Soleil y a bien sûr établi ses quartiers.
Bien que Macau soit réputé comme le pays le plus dense du monde, lors de notre diner en commun Maria, Wesley et Loc nous apprennent qu'il y a si peu de personnes originaires de Macau qu'ils se connaissent presque tous et se relient avec trois personnes interposées maximum. Généralement ils se repèrent en fonction des écoles qu'ils ont fréquenté, il n'y en a qu'une vingtaine sur le territoire...
Macau a été colonisée par les portugais jusqu'en 1999 ce qui fait d'elle la dernière colonie européenne d'Asie. Nos hôtes, qui sont nés avant cette date, ont le passeport portugais et peuvent voyager librement en Europe. Les rues sont encore toutes inscrites en cantonnais et en portugais, les deux langues officielles du pays. Ils nous expliquent que les personnes âgées sont généralement plus critiques par rapport aux colonisateurs, mais que les jeunes comme eux considèrent leur histoire comme une chance, une opportunité d'accéder plus facilement aux cultures européennes et ils ont tous intégré depuis longtemps leurs amis métisses à leur sphère sociale. Ils sont en revanche beaucoup plus remontés par la transformation si rapide de la ville ancienne en ville du jeu, car ils voient les loyers augmenter considérablement, ainsi que l'ensemble du coût de la vie.
Inutile de dire que l'ambiance qui règne dans le vieux quartier est très surprenante, irréaliste en ce qui nous concerne. Nous avons l'impression de nous retrouver à Lisbonne sans avoir quitté l'Asie. Des rues étroites qui montent vers des églises, des bâtiments pastels patinés par le temps, les pastei de nata affichés en desserts de bacalau... et le tout agrémenté de pharmacies de médecine chinoise avec les ailerons de requin en vedette, de lanternes rouges pour le nouvel an chinois qui s'annonce et d'odeurs de canard laqué. Sans compter les hordes de touristes chinois qui se prennent en photo, souriants au côté d'exotiques vierges ou confessionnaux.
Nous commençons nos visites par les ruines spectaculaires de la Cathédrale Saint Paul, emblème de la ville, et dont il ne reste que la façade avant de l'édifice. Elle est située au pied de la forteresse qui est très bien conservée. Au petit matin des groupes s'y forment et la danse du Tai-Chi commence devant les canons datant de 1860, comme prêts à tirer sur le casino "Gran Lisboa" flambant neuf qui leur fait face.
La forteresse abrite maintenant le Musée de la ville de Macau qui présente face à face l'évolution de l'Orient et de l'Occident au travers de leurs écritures, langues, religions, savoir-faire, architecture, rites, etc. pour terminer sur une section à propos de leur improbable rencontre. La partie "rencontre culinaire" est particulièrement bien réussie, les femmes des officiers résidants là ont appris à adapter leurs bases avec les produits locaux, et grand nombre de ces recettes métissées sont restées pérennes.
L'époque de l'expansion de l'Europe est décrite, et surtout l'épopée de l'ambitieuse exploration portugaise, qui avec leur maitrise de la navigation ont progressivement atteint l'Afrique, puis l'Inde avec Vasco de Gama en 1498, Goa, Malacca en 1511, et enfin la Chine avec Alvares en 1513. C'est seulement en 1553 qu'ils arrivent à Macau... Ils ont ensuite continué vers Taiwan puis vers le Japon où ils avaient établi leur colonie à Nagasaki sur l'ile de Kyushu.
Le musée porte aussi sur les principales industries qui ont fait vivre Macau au siècle dernier (feux d'artifice, allumettes et bâtons d'encens) et le développement urbain de la ville.
Après s'être bien promené dans cet environnement nous semblant reposant et familier, nous nous sommes jeté dans un bus pour rejoindre le terminal maritime d'où on peut traverser la baie de Guangdong pour arriver à Hong Kong.
En attendant la fin de la construction du gigantesque pont qui s'apprête à relier les deux "Régions spéciales autonomes" de la République populaire de Chine c'est le Turbojet qui nous transporte de l'autre côté en une heure. La vitesse est très impressionnante et lorsque nous prenons les sillons des gros paquebots – tels des chenilles processionnaires sur cette route maritime - nous volons carrément. Il faut avoir sa ceinture bien attachée si on ne veut pas décoller, la plupart des passagères se sont mises à couiner et plus d'un de nos voisins a dû tapisser le petit sac en papier blanc qui se trouve heureusement rangé à vue de nez. Avec cet épisode fort désagréable nous confirmons que les trajets aqueux ne sont pas ce que l'on préfère... Mais nous devons nous résoudre à prendre dans la foulée un autre de ces engins depuis le repère de Pier 3 au centre de Hong Kong pour rejoindre Discovery Bay (DB - à prononcer DiBi).
Déjà à l'embarquement de Pier 3 nous sommes très surpris... plus d'asiatiques en vue, on entend la plupart des gens parler français, ou anglais... Nous n'avions pas entendu autant de français depuis notre messe de Noël de Tokyo! Tout l'univers de l'expatriation se retrouve donc sur l'ile de Lantau, à 20 minutes de la station centrale de Hong Kong en bateau. Beaucoup de business man et financiers font donc ce trajet quotidien pour se rendre sur leurs lieux de travail tandis que leurs familles vivent à DB.
A l'arrivée le choc est encore plus grand. Nous retrouvons avec joie Marie et ses enfants, l'amie d'enfance de Johanna qui nous explique qu'elle a l'impression de vivre à Disneyland. Et nous comprenons rapidement pourquoi. Toutes les constructions sont neuves, pour la plupart de grands immeubles aux dizaines d'étages, bien alignés autour de places et parcs verdoyants. Le tout se traverse à pied, en bus ou en voiture de golf, seuls engins motorisés acceptés, et encore ils sont très limités. Pas de voitures... ce qui semble inimaginable en Asie! L'endroit semble idyllique si on n'est pas attaché au charme de l'ancien. Les commerces sont à portée de pieds, il y a grand choix de plaines de jeux, l'une d'entre-elle se trouve même sur la plage. Où que l'on regarde on voit des familles avec des enfants. Le choix des activités en français est conséquent, et bien sûr, tous survivent grâce aux "nounous" philippines ou indonésiennes qui logent chez leurs employeurs et huilent bien des rouages de la vie familiale. Il faut reconnaître que la qualité de vie semble y être particulièrement bonne.
Lantau est une des iles les plus agréables d'Hong Kong, à quelques minutes des forêts de gratte-ciel elle est restée pour la plupart très verte, permettant de randonner et de se perdre dans la nature très rapidement. Nous avons été particulièrement frappés par ce contraste: ville des plus denses sur l'ile de Hong Kong et en face sur le continent à Kawloon; et forêts à perte de vue sur les autres iles juste à côté. L'Angleterre a jadis jeté son dévolu sur la Chine pour écouler ses stocks d'opium usinés à partir du pavot cultivé dans leur colonie indienne. Voulant créer un comptoir dans la zone pour favoriser ce commerce ils ont attaqué l'Empire et obtenu une des iles de la baie... Voilà le destin très particulier d'une petite ile parmi tant d'autres qui a rapidement connu l'essor d'une ville toute en hauteur, au milieu de celles restées quasi vierges ou parsemées de villages, comme elles l'ont toujours été.
Le saut à Hong Kong a clairement été mis au programme pour voir notre amie, sa famille, oubliant l'heure qu'il est à discuter. Mais nous avons tout de même profité du saut pour visiter un peu – on ne se refait pas...
A Lantau d'abord, Marie nous a emmené au village de Tai Long resté typique avec ses pêcheurs et ses maisons sur pilotis! Voilà le premier de notre voyage que nous avons l'occasion de parcourir à pied, puis en bateau pour tenter d'aller apercevoir les dauphins qui ont élu domicile à l'entrée de cette cité lacustre. Deux fois nous avons tenté une sortie "dauphins" et deux fois elle a échoué... il semble que nous ne tombons jamais dans les bonnes heures...
Le lendemain nous sommes la veille du jour du nouvel an chinois et l'activité typique en attendant les festivités est de se rendre au marché aux fleurs au centre de Hong Kong. Nous conjuguons les épreuves: bateau, métro, marche pour arriver finalement dans un parc si débordant d'individus se piétinant au pied du buste de la Reine Victoria que nous avons dû nous enfuir en moins d'un quart d'heure. Nous avons tout de même gouté les petites pommes rouges caramélisées vendues pour l'occasion, et vu quantités d'orchidées et d'arbrisseaux à petits fruits oranges, ainsi que les calligraphes de bons vœux sur feuilles rouges. Par chance l'ancien tram touristique de la ville passait par là et nous avons bien profité de notre trajet à la surface vers le Peak. Point culminant de la ville et ilot de verdure au milieu des gratte-ciel, il semble que les loyers y soient les plus chers du monde... Sans y avoir testé les appartements nous y avons testé les glaces qui y sont vendues à cinq euros la boule... ça donne une idée. En haut une belle balade permet d'en faire le tour avec des trouées régulières qui offrent des panoramas sur la ville et les iles environnantes.
Redescendant avec la nuit tombante nous arrivons juste à temps pour prendre le vieux Star ferry qui mène à Kawloon. Lors de la traversée, le jeu est de parvenir à photographier les vieux sampans touristiques sur fond de gratte-ciel, seules deux compagnies offrent la possibilité de faire la balade à bord, et avec un peu de chance on ne passe pas trop loin de l'un d'entre eux... Notre objectif était d'arriver à temps pour la "Symphonie of Light": un son et lumière quotidien éclairant en rythme les immeubles de Hong Kong.
Compte-tenu d'un accident de bus impérial a deux étages qui a fait plusieurs morts quelques jours avant notre arrivée, les festivités de nouvel an chinois ont été réduites pour cause de ville en berne... Sachant cela et ayant déjà vécu l'épreuve peu concluante de la très grosse foule piétinante la veille nous avons hésité, puis finalement avorté la soirée "parade de nouvel an". En revanche nous avons vu plusieurs groupes opérer en rue les danses du dragon caractéristiques accompagnées de leurs tambours.
Nous avons trouvé le temps d'une dernière sortie sur l'ile voisine de Peng Chau dont on peut faire le tour en une heure. Sensation agréable que de se trouver isolés sur des chemins et dans des villages emplis de charme, et au détour desquels se trouvent des plages de sable blanc. Au loin, en face, on aperçoit Disneyland, le vrai cette fois, mais rien d'ici ne laisse imaginer l'activité qui doit régner là-bas.
C'est avec ces images que nous trouvons le chemin de l'aéroport pour rejoindre Kota Kinabalu à Bornéo, côté Malaisie, et notre Truck!
A ce stade nous sommes étonnamment peu excités à l'idée de retrouver notre camion. Voilà un mois que nous avons de nouveau gouté au confort d'une douche à disposition, d'espace, d'eau qui sort du robinet toute seule, de livres et de conversations en français... Après quatre mois d'hiver non prévus dans notre maison roulante et avec le souvenir de derniers pays "fatigants" à visiter (beaucoup de choses à faire, à voir) nous avons un petit coup de mou. Ce qui n'a pas aidé c'est de devoir voyager tout en programmant au fur et à mesure la suite du voyage. Autant nos six premiers mois avaient été bien préparés et ils se sont déroulés "comme sur des roulettes", autant ici nous devons en permanence voyager tout en cherchant les nouvelles informations et en préparant la suite, ce qui rajoute à la fatigue. Heureusement, en partant d'Hong Kong nous commençons à y voir plus clair sur la suite de notre itinéraire à court et moyen terme, mais pour en connaître d'avantage... il vous faudra attendre le prochain poste rien que là-dessus!