Immersion Paiwan à Taïwan
Voilà le premier pays de ce voyage où nous nous retrouvons à visiter sans notre Truck...
Nous y sommes accueillis par Michel, un ami d’ami qui vient gentiment nous chercher à l’aéroport de Kaoshiung dans le sud de l’île. Il nous amène chez lui, à Pingtung, et tout est immédiatement assez différent : la chaleur à la sortie de l’aéroport, la végétation luxuriante, les mobylettes apparaissent, fini les trottoirs, l'environnement est beaucoup moins bien entretenu qu'au Japon, des fils électriques pendent de partout, les femmes qui travaillent dans les rizières portent des chapeaux en cône et nouent un fichu autour pour le tenir, il y a des papillons par milliers, ça sent le basilic, les gens mâchent des noix de bétel qui rougissent leurs mâchoires, les maisons sont ouvertes autour d'autels et il y a beaucoup de monde dehors...
Nous arrivons dans une maison avec un patio intérieur, un piano, une baignoire, une bibliothèque en français, un four, deux chambres rien que pour nous et de l’espace que les enfants ont immédiatement réinvesti avec leurs jeux : une vraie bouffée d’espace et de confort pour nous! Les occupants sont actuellement Danielle, la sœur de Michel, sa belle-mère taïwanaise qui ne parle que chinois, Julienne une jeune aide à domicile arrivée il y a 3 jours, et Yenka un chien trouvé au détour d'un chemin.
Le soir même nous faisons tous un tour au marché de nuit et étrennons nos palais avec une fondue chinoise ! C'est une des particularités à Taïwan, les gens sortent pour dîner dans ces rues animées de gargotes, stands de jeux et autres vendeurs de toutes sortes de choses. Avec trois billes trouvées parterre les enfants ont tellement gagné aux jeux qu’ils sont repartis avec deux cadeaux !
Au petit-déjeuner le lendemain l'orgie de fruits commence : wax apple, jujubes, ananas, pommes-cannelle (anones), etc... un peu privés au Japon nous nous sommes bien rattrapés ici !
Nous avons commencé nos visites par celle du chantier de notre hôte. Ancien décorateur, il s'amuse à construire la maison d'un ami qui est aussi un chef Paiwan local. Sa femme est designer de tenues traditionnelles de mariages absolument superbes et elle a déjà bénéficié des « mains d'or » de Michel pour sa boutique... Ses maisons sont toutes originales, chaque pièce a quelque chose d'insolite, de poétique ou de drôle, le tout fait qu'on tombe immédiatement sous le charme. Quant à la vue de la nouvelle maison... indescriptible ! Nous avons élu domicile sur la table de la terrasse pour y faire régulièrement les devoirs pendant que Nicolas aidait un peu aux travaux.
Voilà une première grande découverte quant à ce pays : il est encore peuplé de seize tribus aborigènes qui étaient les premiers habitants de l'île avant qu'elle ne succombe tour à tour aux portugais (d'où l'ancien nom de Formose), aux hollandais, aux chinois, aux japonais, puis à Tchang Kaï-chek qui s'était fait débouté par Mao Zedong en Chine, et qui est venu y gouverner jusqu'à sa mort.
Ces aborigènes ont bien sûr connu de longues périodes pendant lesquelles il leur était interdit de parler leur langue ou de vivre leurs coutumes mais depuis les années 80 il semble y avoir un regain d'intérêt pour ces traditions. Les tribus se répartissent sur des territoires différents qu'ils marquent par des totems, les tenues traditionnelles et cérémonies sont différentes, elles ont chacune des particularités mais ce qui les rassemble c'est d'abord l'origine austronésienne de leurs langues. C'est cette même famille de langue qui a progressivement essaimé, avec les peuples, depuis Taïwan vers le sud jusque dans la plupart des îles du Pacifique. Beaucoup de ces tribus utilisaient des tatouages rituels pour marquer le passage à l'âge adulte. Hommes ou femmes devaient d'abord accomplir certaines tâches ou prouver des savoir-faire avant d'y accéder. Ces tatouages sont codés, n'importe quel enfant de la famille n'y a pas droit et on y reconnaît une hiérarchie sociale. Après la libération des japonais il y a eu une courte période pendant laquelle ils sont réapparus pour disparaître de nouveau. La danse semble aussi être un élément commun et on peut l'apprendre dans un des écomusées dédiés aux aborigènes de l’île. Certaines tribus organisent toujours une sorte de « parascolaire » pour les enfants de 12 à 17 ans leur donnant l'occasion d'apprendre l'histoire de leur peuple, les légendes et symboles associés, les savoir-faire artisanaux de tissage, chasse ou fabrication de perles, ainsi que les danses etc.
Concernant les Paiwans en particulier, il s'agit d'une tribu particulièrement réputée sur le plan artistique. Toutes les maisons dans les villages ont quelque chose d'original, de personnel. La tribu compte quelques artistes réputés dont Sakuliu et sa famille que nous avons eu la chance de rencontrer.
Un des ces artistes, Daki, a proposé de nous emmener au village d'origine, dans les montagnes. A cause de pluies diluviennes et de glissements de terrain il a fallu évacuer ce village et la plupart des habitants ont été relocalisés au bas de la vallée. Mais le cœur est resté là haut et le gouvernement à fait le choix de continuer à protéger la zone, on ne peut donc y aller qu'avec des permis spéciaux, mais si bien accompagnés nous avons accédé à cet endroit particulièrement préservé.
Daki nous a raconté une histoire amusante : il est allé rendre visite à Michel à Paris et s'est donc rendu au Louvre... considérant que c'était un honneur il y est allé en tenue traditionnelle, avec sa lance et sa machette. Il raconte en riant comment les touristes qui faisaient la file s'écartaient sur son passage. Son effort de tenue lui a valu une entrée gratuite mais il a du laisser ses effets à l'accueil!
La nourriture taïwanaise est assez proche de ce que l'on peut trouver au sud de la Chine, grande diversité alimentaire, les repas se composent de beaucoup de plats différents, parfumés mais peu épicés, la base étant presque toujours le riz. La nourriture aborigène à ses spécificités : la viande ou le poisson sont roulés dans du millet, manioc ou taro puis enfermés dans des feuilles de bananiers et bouillis. Dans ces villages de montagne beaucoup sont également petits producteurs d'excellent café.
Avec la petite voiture que nous prête Michel nous entamons le tour de l'île. Vers le sud nous découvrons un bel aquarium réputé pour ses coraux et ses bélugas, des randonnées superbes au travers de forêts de banians, une côte est fouettée par les vents du Pacifique avec ses falaises qui tombent à pic, ses rouleaux et ses surfeurs, une gorge de marbre blanc à laquelle on accède grâce à la route spectaculaire creusée à mains d'hommes, un village de chercheurs d'or reconverti en lieu touristique vu le charme qu'il dégage, un autre où les gens viennent tous allumer une lanterne porte-bonheur à partir des rails de trains qui le traversent... peuplé de monde à toute heure, tous dégagent la voie au rythme des locomotives.
A peine passé le Tropique du Cancer nous faisons halte dans la petite ville de Hualien pour son marché de nuit. De retour dans notre auberge, nous sommes le 4 février, 21h15... et nous sentons tout à coup tout l'immeuble se mettre à trembler ! Après deux mois au Japon nous aurons échappé aux tremblements de terre mais là nous en vivons un de magnitude 6 et avons été secoués par ses cinq répliques ! Sans compter la dernière qui est arrivée le lendemain soir. Nicolas s'est jeté du lit pour écarter ses enfants des fenêtres, qui eux trouvaient que tout ça était « Trop cool ! ». Hualien se trouve sur une plaque différente du reste de l’île et celle-ci avance de 6 à 13cm par an... la zone est donc connue pour son importante activité sismique.
C'est bien avancés dans notre séjour que nous découvrons Taipei, la capitale embouteillée et polluée qui contraste tant avec le sud et la nature sauvage du reste de l’île. Lorsque la dynastie Ming s'est trouvée battue par les Mandchous ils ont fui la Chine vers Taipei en emportant avec eux les trésors nationaux qui étaient jalousement conservés dans la Cité Interdite. De manière tout à fait surprenante nous trouvons donc dans cette capitale un immense Musée National qui comprend la plus grande partie des trésors chinois (l'équivalent du double du Louvre en nombre d'objets). Tant en nombre qu'en qualité la collection est impressionnante et il nous aurait fallu bien plus de temps pour parvenir à en faire le tour ! Jades, poteries, porcelaines, peignes, boites, coffrets, calligraphies, poèmes... bref tout l'art chinois se trouve magnifiquement représenté là.
Nous avons aussi été voir quelques beaux temples et le mémorial dédié à Tchang Kaï-chek avant de reprendre la route du sud. La cote ouest a été la première colonisée par les hollandais et plusieurs vestiges plus anciens sont encore présent, dont un mur de leur fort : le Zeelandia. Lukang et Tainan, les villes historiques de Taïwan ont réussi à conserver plusieurs rues et temples qui parviennent immédiatement à nous plonger dans un Taïwan d'un autre siècle.
Nous terminons notre tour par Kaoshiung, où nous étions arrivés, 2ème plus grande ville du pays elle est surtout industrielle et tournée vers son port de marchandises. Nous avons parcouru les berges de son lac du lotus si poétique et avons fait notre pèlerinage à Bouddha Land avant de découvrir la scène artistique contemporaine qui se manifeste dans les entrepôts de son ancien port : très riche et bien aménagé, l'ensemble donne à voir beaucoup de l'avant-garde taïwanaise.
Avant de partir vers Macao puis Hong Kong ou une de nos amies nous attend, Michel et Daki nous embarquent tous pour les accompagner au mariage traditionnel Paiwan d'un de leurs amis. Douze plats se sont succédés avant que tous se mettent en piste pour la grande danse rituelle ! Le spectacle est inoubliable tant les tenues de chacun sont uniques et superbes...
Nous tenons surtout à remercier Michel pour son investissement hors du commun à nous faire découvrir « son Taiwan ». Nous nous rappellerons sans doute longtemps de lui comme l'homme charismatique qui nous aura tout prêté : son lit, sa maison, sa belle-mère, ses amis, sa carte sim, sa voiture et son chien.