Retour express et départ pour l'Océanie!
Passés nos vols depuis Dubaï les grands-parents attendaient leurs petits-enfants de pied ferme derrière la vitre de l'aéroport de Mérignac. Quelques effusions plus tard nous nous retrouvions dans un bain de famille, décalage surprenant après autant de temps, mais ma foi, bien agréable!
Nous avons ensuite enchaîné avec la rencontre d'un nouveau neveu, la préparation d'un mariage, le - dit mariage, une transhumance vers la Belgique, re-effusions et bain de famille, fête de retour, sorties pour voir tous les amis, rendez-vous chez les médecins, maison à vider entièrement, rendez-vous pour la mettre en location à l'année, puis récupération du camion in extremis au port de Zeebrugge deux jours avant notre départ pour Nouméa, tri des affaires à prendre ou à laisser dans notre cave avec les autres, nettoyage du camion, visite d'acheteurs éventuels calée au milieu, stockage dans un endroit sûr, préparation des 2x23kg de bagages chacun à emporter pour notre nouvelle vie. Autant vous dire que notre nouvel agenda faisait peur et qu'on a réussi à s'épuiser (ainsi que notre entourage) en rien qu'un petit mois!
La partie réellement stressante aura été le fait de guetter le camion qui devait arriver tout juste et qui prenait du retard... et surtout la façon dont on a dû le récupérer. En arrivant à Zeebrugge on l'a trouvé posé, seul, à l'écart des containers sur son flat-rack. Tout contents de le voir en bon état on s'inquiète de la paperasserie et rapidement, de la façon dont on va le descendre de là. Au fur et à mesure de la journée on comprend que rien n'est prévu pour le faire descendre !?! On voit les manutentionnaires du port s'affairer à installer une petite rampe improvisée en blocs de plastique rigide qu'ils posent de façon à former deux petits escaliers... D'un air satisfait ils s'arrêtent à un moment et nous disent : "C'est bon! Vous pouvez y aller!" Je vous mets une photo, on a cru à une blague…
Grimace et refus immédiat. Bien trop dangereux. "Solution" trouvée 3h plus tard : une rampe métallique beaucoup trop petite, tant en hauteur qu'en largeur. Bon, on essaie quand même, on cherche dans les bouts de bois qui traînent de quoi caler la rampe... Ils s'arrêtent de nouveau et nous re-proposent de descendre là-dessus!
Cette fois, on sent qu'on n'a pas trop le choix. Nicolas s’enhardit et va tenter l'affaire. La largeur des pneus dépasse de 50% la largeur de la rampe de part et d'autre. Un des docker propose à Nicolas un casque de chantier au moment où il se met au volant, on frôle le ridicule. Nous n'aurons eu aucun stress nulle part avec le camion lors du voyage plus grand que cette descente dans le port de Zeebrugge en Belgique. Mais c'est passé.
C'est donc après avoir fait nos adieux définitifs à notre Truck qui nous aura vaillamment porté tout autour de l'Eurasie que nous filons in extremis, avec des bagages accrochés partout et bourrant notre voiture prêtée pour le mois, vers Paris et les 25h d'avion qui nous attendent pour prolonger notre aventure en Océanie.
La Nouvelle Calédonie donne facilement accès aux îles et pays limitrophes (Indonésie, Papouasie, Vanuatu, îles Salomon, Fidji, Polynésie, Nouvelle Zélande et Australie bien sûr). Nous poursuivons donc notre route laissée aux portes de l'Indonésie et pensons prendre notre temps pour découvrir la zone tout en nous refaisant une santé financière et en re-scolarisant les enfants.
Arrivés à la fin de ce voyage on partage ici avec vous quelques-unes de nos réflexions sur la façon globale dont on l'a organisé :
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A refaire nous aurions sans doute scindé le projet de voyage itinérant et le projet d'expatriation. Ce sont bien deux projets spécifiques qui se font un peu d'ombre.
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Paradoxalement, nous sommes très contents d'avoir enchaîné avec un autre projet directement. C'est très personnel mais ça aurait sans doute été un passage difficile pour nous de retrouver trop simplement « tout comme avant ». Pendant toute cette période nous avons découvert de nouvelles choses tous les jours et apprécions que cela continue.
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Pour plus de simplicité nous aurions dû prévoir depuis le départ une boucle plutôt qu'un itinéraire linéaire. En effet, ramener le véhicule au pays de départ semble être de loin plus simple et moins onéreux que de le vendre ailleurs ou que de se lancer dans des procédures d'importation.
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Pendant près d'un an et demi nous avons eu près de trois activités par jour, presque tous les jours. Nous avons changé de bivouacs tous les jours (sauf rares exceptions). Il est très difficile de résister à la pression du temps. Penser que l'on est « libre » lorsque l'on part parce que l'on a une si longue période devant soi est un leurre. L'intendance prend beaucoup plus de temps que dans une maison et les visas et les saisons rythment finalement le voyage. Pour le "projet Océanien" nous avons bien réfléchi à la façon de se donner un rythme un peu plus lent.
Au retour nous avons eu un trio de questions qui revenaient si souvent: Vous ne vous êtes jamais sentis en danger ? Vous n'avez pas eu envie de divorcer? Et l'école avec les enfants, ça donne quoi ? Autant vous partager aussi nos réponses.
Nous ne nous sommes jamais sentis en danger, au contraire, nous retenons surtout l'accueil, la sécurité et la gentillesse qui nous ont tant marqué, partout. Mais, sans excès, nous pensons être prudents, nous faisons attention aux routes que nous prenons et aux endroits où nous bivouaquons, nous nous présentons si possible à nos nouveaux voisins du soir, et nous ne roulons pas de nuit.
Au niveau des conflits familiaux, nous en avons vécu autant que dans notre vie de tous les jours, ni plus ni moins. Ce sont d'ailleurs les mêmes sujets qui posent problème. Il est tout à fait possible d'organiser des moments où l'on se sépare si on souhaite le faire. On rencontre finalement beaucoup de monde en route et on a l'occasion de discuter très fréquemment avec d'autres adultes que son conjoint. Les enfants ont tout autant l'occasion de jouer avec d'autres enfants que leurs frères et sœurs. On ne passe donc pas toute une année à n'avoir qu'un seul interlocuteur avec qui on reste tout le temps. On est cependant assez contents de retrouver des espaces (et téléphones surtout) privés. A ce sujet on aime citer Steve, un ami voyageur qui a vadrouillé avec sa famille pendant trois ans en camion aménagé : « La meilleure chose est qu'on est ensemble tout le temps, et la pire, c'est qu'on est ensemble tout le temps... »
Quand à la classe, nous n'avons pas été intransigeants sur les moments d'étude mais nous avons veillé à ce que les enfants ne prennent pas trop de retard dans les matières scolaires principales. Nous avons donc eu des périodes avec plus ou moins de travail en fonction des aléas du voyage et avons finalement terminé tous les manuels. En parallèle, nous avons passé énormément de temps à répondre à leurs questions, à leur expliquer et à leur montrer d'autres choses en lien avec ce qu'ils découvraient.
A l'arrivée il a fallu passer par quelques semaines de « réadaptation » : fini de manger parterre, de ne mettre que des habits tachés et troués et de vivre en chaussures en plastiques - ou son alternative : sans chaussures. Il a fallu sévir pour que tous remettent des ceintures de sécurité tout le temps en voiture. Ranger redevient une obligation, et même ranger dans le lave-vaisselle, concept tout à fait innovant pour les plus jeunes ! Les enfants sont contents de ne plus être forcés à goûter de nouveaux aliments tous les jours, et le fried rice de ces derniers mois n'est plus leur alimentation de base. Nicolas savoure un quotidien sans avoir à charrier des bidons d'eau et surtout, que les toilettes se vident toutes seules. Comme il aime répéter à qui veut l'entendre, ce genre de voyage c'est un rêve mais ce n'est pas le Paradis !
A l'heure du bilan, nous vient aussi à l'esprit tous les éléments que nous aurons tant apprécié...
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Voyager à six, et voyager à six en camion (voyant en plus) ce n'est pas pareil : le style du camion affiche directement un voyage hors du commun. C'est ce qui rend les gens curieux et ce qui fait qu'ils viennent facilement poser des questions. A Taïwan, Hong Kong, Macau et Dubaï nous avons voyagé « incognito » et nous avons bien vu la différence. C'est un passeport pour les rencontres.
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Il y a évidemment une forme de liberté appréciable: « Tu veux d'abord faire ton français ou tes maths? Vous partez quand? Ah on ne sait pas, quand on aura fini de visiter... On fait quoi ce matin? Ben j'aimerai quand même prendre 2h pour écrire... Venez me voir dans mon village ! C'est où? Faut deux jours pour y aller... Ah ok, pourquoi pas... ». Voilà de petites phrases que l'on n'entendra plus de sitôt!
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Se réveiller tous les matins dans des endroits différents est absolument génial: un matin avec les singes ou oiseaux de la jungle, un matin au milieu d'un marché, un matin avec vue sur la rivière et les maisons sur pilotis, un autre au pied du Registan de Samarcande, ou encore du Mont Fuji... On n'a pas réussi à s'en lasser.
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Voir ses enfants progresser en anglais tous les jours et retenir plein de choses épatantes en grossissant à vue d’œil leur culture générale et leurs réflexions sur le monde. Notre cadette: « En fait quand t'es riche, tu te rends compte que les autres sont pauvres, mais pour eux, ils sont très bien ça ne fait pas de différence. Le problème quand t'es riche, c'est que tu dois continuer à avoir de l'argent pour ne pas devenir malheureux... ».
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Vivre régulièrement des moments d'exception : se trouver nez à nez avec un Orang-outan, être accueilli deux semaines par quelqu'un qui ne nous connaît même pas, être invités à un mariage kurde, voir décoller 80 montgolfières sur la Cappadoce à la porte de son camion, écouter l'appel à la prière avec une vue hallucinante sur le Bosphore, assister au spectacle des tortues marines qui sortent du sable, traire les moutons avec les nomades en Iran, voir le spectacle d'un cratère de feu... et la liste pourrait être bien plus longue!
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Le contact avec toute la communauté très aidante des "Overlanders", voyageurs au long cours et croisés au détour d'une route, c'est toujours une rencontre digne d'un petit miracle et un grand plaisir de partager ces expériences de voyage en étant encore dedans... On gardera certainement des contacts avec plusieurs des couples et familles rencontrés, mais ne plus vivre ces rencontres fortuites va certainement nous manquer.
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Et le fait de partager ce que l'on vit avec le blog et de recevoir des commentaires, un petit jeu qui nous aura souvent fait sourire...
Arrivés en Nouvelle-Calédonie nous avons très rapidement trouvé une voiture, une maison à louer et des colocataires, des écoles, et même des activités parascolaires permettant aux enfants de se ré-inscrire dans des équipes ou projets plus durables. Ils ont été sur-motivés de reprendre la vie scolaire. Outre le fait de se faire de nouveaux amis et d'avoir de vraies récrés, ils ont clairement envie d'apprendre et sont curieux. A quelques semaines passées de leur rentrée, on constate que tout leur semble plus facile. Nous ne détaillons pas ici le reste de notre installation, qui pourrait faire l'objet d'un tout autre blog, mais l'on vous met quand même quelques photos de nos premières activités.
Il nous reste encore un petit travail de « post-production » ou de « nettoyage de chantier » - selon ses références - pour avoir réellement terminé ce projet de voyage itinérant. Après avoir récupéré la caution de notre Carnet de Passage laissée avant le départ, nous devons encore finaliser la vente du camion. Nous avons clôturé le dernier article pour notre sponsor Europ-Assistance, qui est parti rejoindre les 13 autres articles écrits pour eux sous ce lien : https://blog.europ-assistance.be/author/sixglobetruckers/ Il nous faut aussi trier quelques milliers de photos, et après publication de ce dernier article sur ce blog, nous souhaitons encore le faire imprimer.
Enfin et surtout, il nous reste encore à remercier tous ceux qui nous ont aidé avant, pendant et après toute cette belle aventure ! Nous savons ce que nous leur devons.
Une petite anecdote pour terminer... à peine arrivés à Nouméa, le directeur de l'école primaire nous annonce : « Votre fille est en CM1, ça tombe bien, la classe part le mois prochain en voyage scolaire... à Tahiti ! »