Pause garage, villes coloniales et lucioles de l'ouest malais
C'est toujours sans notre Truck que nous nous rendons à Malacca, une des villes au passé colonial de Malaisie située sur la côté ouest au sud de Kuala Lumpur. Beaucoup de charme dans les quelques rues du vieux centre alignées au côté du quartier hollandais et de la citadelle portugaise. On les sillonne à guetter les jolies façades, les temples chinois, quelques peintures murales, les galeries d'art, les magasines d'antiquité... Le plus insolite aura été la rencontre de ce marchand de chaussures de 7cm destinées aux femmes des mandarins qui empêchaient jadis leurs pieds de grandir. Il expose quelques modèles anciens et continue à en fabriquer pour ceux qui veulent en ramener en souvenir, mais son activité est maintenant tournée vers la confection de chaussures perlées sur mesure, objet typique de la culture Paranakan. Nous l'avions découverte à Singapour et sommes dans une des villes où elle s'était développée. Ici nous avons visité une maison tenue par une famille de Baba Nonyas depuis plusieurs générations : toujours aussi impressionnés par la richesse du mobilier, des habits, des porcelaines, etc. A Malacca nous avons retrouvé Jen et PA que nous avions quitté quelques jours plus tôt à Kuala Lumpur... et Allan et Linda et leurs enfants ! Nous devions traverser la Chine avec cette famille qui était dans notre groupe mais nous n'avions finalement jamais eu l'occasion de les croiser ! Ils sont dans la ville en même temps que nous... et tout ce petit monde se connaît ! Nous avons donc passé deux jours à visiter avec nos neuf enfants cumulés !
Nous les quittons brièvement pour aller récupérer notre Truck dont le travail de soudure de la cabine avant est terminé, mais nous nous retrouvons le lendemain soir au yacht club de Port Klang : le repère de Daryl. Les deux camping-car partent pour Dubaï par le même bateau en prévision d'un retour pour septembre passant par Oman, l'Iran, la Turquie etc. Nous étions du rendez-vous pour passer une dernière soirée entre amis avant de nous rendre de nouveau dans notre garage Iveco pour la suite de nos réparations.
Nous avons commencé par la révision des freins et rapidement le mécanicien tombe sur un nouveau problème : l'arbre de direction de la roue gauche présente un fameux jeu. On démonte pour réaliser qu'il ne reste plus aucune bille du roulement à bille ! En version rapide : le garage nous a mis en contact avec un réparateur de pièces automobiles chinois qui nous a commandé un nouveau jeu de billes à Singapour et qui nous l'a adapté pour notre camion. En réalité : le temps de démonter, trouver, commander, attendre l'arrivée, réparer tout le reste, remonter, peaufiner les réglages pour que le tout marche vraiment, et caler là-dedans quelques jours de repos genre week-end, nous avons habité le garage pendant six jours. Heureusement, nous étions les seuls clients... et le bivouac s'est avéré beaucoup plus confortable qu'aux premiers abords. D'abord l'équipe du garage n'a pas cillé quand on a annoncé qu'on voulait continuer à dormir dans notre camion. Et puis nous avions un toit qui nous mettait à l'ombre, un endroit clôturé et sécurisé où les enfants ont pu étancher leur soif de vélo et trottinette, douches et toilettes à disposition, évier avec de l'eau courante pour faire la vaisselle, éclairage pour le soir, gros ventilateurs, garde de nuit... On était si bien qu'on a même fini par sortir le hamac au milieu du garage pendant le week-end. Etre à l'arrêt autant de temps ne nous était pas arrivé depuis longtemps ! On a saisi l'occasion pour faire un gros tri, rangement, nettoyage de l'intérieur et même pour rattraper un peu d'école.
C'est dans cet endroit que nous avons passé l'anniversaire, si rare, d'un an de voyage et le jour de Pâques ! Pas optimal pour faire une chasse aux œufs, nous avons occupé la date avec de la peinture de circonstance et reporté l'évènement à notre sortie. A peine libérés de nos activités mécaniques nous sommes retournés à notre bivouac Pétronas au centre de Kuala Lumpur pour permettre aux enfants de chercher leurs œufs en chocolat.
Cette fois nous partons à la visite de la ville et y rencontrons Camille, une amie de la sœur de Johanna qui y travaille depuis plus d'un an, ainsi que Martha et Coco ! Un couple de cyclistes espagnols que nous avions embarqué en stop dans notre camion à Moynoq en Ouzbékistan ! Assez surprenant de se dire qu'en camion ou en vélo, nous avançons finalement au même rythme...
Nous quittons Kuala Lumpur vers le Nord et faisons une halte aux Batu caves, plus grand sanctuaire hindou en dehors de l'Inde. C'est un repère de temples dans des grottes dont certains sont en construction. Les visiteurs sont mis à contribution et peuvent porter des seaux de sable lors de la visite pour aider les ouvriers. Une colonie de macaque s'épanouit aux pieds de l'immense statue de Murugan qui annonce l'entrée sur le site.
Suivant les conseils de Camille, nous visons Kuala Selangor pour notre premier arrêt sur la côte ouest, nous espérons y trouver une des plus grandes colonies de lucioles du monde. Ne sachant pas trop où elles se trouvent précisément et notre Routard n'y faisant même pas mention on se gare pour demander en ville. Très rapidement on nous oriente vers un petit embarcadère où l'on peut monter dans des bateaux et remonter la rivière pour les trouver. Rendez-vous pris pour 21h il nous reste 2h devant nous pour une remise à niveau intendance. Avec ce temps nous avons réussi : à faire tourner deux lessives et à les mettre à sécher au Lavomatic du coin, à remplir nos bidons d'eau aux distributeurs d'eau potable, à passer à la banque, à refaire le plein d'anti moustiques, à passer chez le coiffeur pour notre ainé à qui on pouvait faire des tresses, et à remplir nos estomacs. Nous voilà refaits.
La balade en bateau, de nuit, pour parvenir quelques kilomètre plus loin aux lucioles pose l'ambiance. A l'arrivée on éteint tout, plus un bruit. C'est en s'approchant des berges que l'on distingue alors petit à petit les clignotements... Ce sont des milliers de lucioles qui vivent là dans les arbres à partir desquels elles se nourrissent. Et ce de chaque côté de la rivière sur 5km environ. L'endroit est idéal car la lumière des villes n'y parvient pas, or c'est une nuisance pour ces insectes. Cette espèce de luciole clignote en même temps, ce qui donne l'impression que quelqu'un est venu accrocher une guirlande de Noël tout du long de la rivière... Hélas trop noir pour prendre la moindre photo. Nous ne pouvons vous montrer que celles que nous avons attrapé pour les sacrifier à la pédagogie.
Avec ces images en tête nous poursuivons vers Ipoh, une autre ville charmante au passé colonial et dont les murs ont été investis par les artistes...
Aux alentours se trouvent deux étranges constructions : Kelly's castle et le temple Sam Poh Tong.
Pour la première, l'ambition d'un colon anglais était de se bâtir un château au milieu de ses plantations d'hévéas, mais il a attrapé une pneumonie en allant chercher son ascenseur en Europe et la construction est restée en l'état, donnant un étrange mélange de pièces déjà habitables et d'étages jamais terminés, offerts aux oiseaux et aux fantômes, parait-il, qui hantent les lieux...
Pour la seconde on arrive dans un jardin de bonzaïs et de rocailles pour entrer dans une grotte accompagnés par une dame qui nous vend des épinards. Passés quelques bouddhas nous arrivons dans un couloir dont le bout s'éclair... on entre alors dans une clairière au centre de monts où l'homme est venu bâtir un temple caché ! A ses pieds ce sont des tortues, symboles de longévité, qui par centaines se nourrissent d'épinards...
Ipoh est la capitale de l'état du Perak, petit sultanat tranquille où le Sultan Nazrin Muizzudin Shah Ibni Almarhum Sultan Azlan Muhibbuddin Shah Al-Maghful-Lah (véridique) a fait construire une mosquée qui ressemble au palais d'Aladin ! Une grande plaine aménagée en contrebas de son propre palais nous a offert un des plus reposant bivouac de cette côte ouest : palmiers, petit cours d'eau, espace, solitude, et au matin... toute une colonie de singes qui nous a distrait pendant notre petit-déjeuner.
Penang, dernière destination Malaise : il s'agit de l'ile donnée aux anglais pour en faire leur comptoir. Ils y ont bâti Georgetown, la plus grande des villes coloniales de la péninsule, et celle qui a finalement battu toutes les autres dans le pays. Son centre historique est très étendu et recèle des trésors dans ses temples, musées, maisons Peranakan, et hôtels mythiques ; et les artistes de rue ont ici accaparé de très nombreux murs. Amusant de se promener à la recherche de l'un ou l'autre dessin plus connu.
Avec Georgetown nous terminons une partie de la remontée de la route des épices, suivie par la terre, et en sens inverse par rapport aux explorateurs qui l'ont découverte progressivement par la mer. Nous nous sommes arrêtés dans chacun des comptoirs importants et avons constaté que ces colonisateurs portugais, hollandais puis anglais ont laissé des traces qui sont encore aujourd'hui prisées par de nombreux touristes : Georgetown, Malacca, Singapour, Kuching, Macao, Hong Kong, Tainan, et finalement Nagasaki. De la Malaisie partait surtout l'étain (pour la fabrication des boites de conserve), le caoutchouc, et les épices : muscade, girofle, etc. qui poussaient sur Penang. Comme lorsque nous avions visité une fabrique de soie en Ouzbékistan au centre de la route de la soie, nous avons ici visité un jardin d'épices pour mieux apprendre à les reconnaître et savoir où elles poussent.
A côté se trouve également un centre passionnant : Entopia, le paradis des insectes et des papillons ! Seuls les papillons existaient au départ et leur quantité est telle qu'on est littéralement entouré de papillons quand on entre dans la serre. Nombreuses explications sur les chenilles, les formes des œufs des papillons, les sortes de cocons etc. Le centre présente une grande culture d'Atlas, papillon de nuit qui arrive 2ème en taille après le Reine Alexandra. Dans la partie insectes nous avons vu une maman scorpion avec tous ses bébés sur son dos, dès qu'elle a faim elle en attrape un et elle le mange. Puis nous avons aussi vu d'inoffensifs scorpions d'eau, des fourmis qui font une phalange et demi, des tarentules, larves, grenouilles énormes, criquets disproportionnés, etc. La particularité est ici qu'on peut prendre et toucher beaucoup de ses insectes.
A notre arrivée sur l'ile le premier soir (deux grands ponts permettent d'y accéder véhiculé) on s'y prend un peu tard pour trouver un bon endroit où nous garer pour la nuit, il fait déjà noir, la route commence à serpenter un peu trop à notre goût, avec la fatigue de quelques heures de route et la peur que les dernières gargotes ne soient fermées on se décide finalement pour une nuit bord de route qui ne s'annonce pas des meilleures. Nicolas, garé, pose le pied à terre et se fait immédiatement aborder par un jeune type qui lui montre des photos : sans parler très bien anglais Nicolas comprend qu'il a un camping-car et qu'il veut nous inviter à diner ? Un peu surpris et pas trop surs de l'intention on ne se montre pas spécialement emballés... mais il appelle sa femme qui parle très bien anglais et qui insiste : ils veulent nous inviter à diner. Bon, on remonte dans le camion, on suit le Monsieur en espérant que ce ne soit pas trop loin, pas trop compliqué pour le camion... et on arrive devant un restaurant chinois. En effet, sa femme et leurs deux jeunes enfants nous attendaient là !! Avec les premières phrases on comprend mieux ce qui se passe : Wendy et son mari ont rencontré par hasard à Penang une famille en camping-car et en voyage autour du monde il y a quelques années. Depuis lors ils veulent tous deux faire la même chose et ce sont mis à économiser ! Impossible de trouver un camping-car à acheter en Malaisie, ils ont donc déjà été en Chine pour faire du repérage... les photos montrées. Ils projettent de rejoindre l'Europe avec ce genre de véhicule et sont à l'étape de la recherche d'informations. Wendy a vu passer le camion devant sa fenêtre alors qu'elle travaillait... elle s'est jetée sur son téléphone pour prendre une photo et a immédiatement envoyé son mari pour nous suivre dans l'idée de nous rencontrer ! Il a donc suivi (depuis quand?) le camion jusqu'à ce qu'on s'arrête ! Ils nous ont en effet invité à diner et proposé de nous emmener le lendemain voir le plus grand temple chinois de Penang !
En fait de temple il y en a au moins cinq ou six, le lieux est gigantesque. A l'issue de la visite ils nous ont encore promené dans un des food-court où ils ont réussi à rassembler en cinq minutes plusieurs assiettes d'aliments « non-piquants » ! Comme c'était notre seul critère annoncé nous nous sommes retrouvés à goûter d'un coup plusieurs mets que nous n'aurions jamais acheté seuls : taro frit, bouilli, œufs de cent ans (le jaune est noir et le blanc est gélatineux noir translucide... mais, courageux sommes nous d'avoir gouté, cela a le même goût qu'un œuf dur normal). On s'est retrouvés quelques jours plus tard après nos visites de l'ile pour un dernier diner et les avons laissé en leur souhaitant le meilleur pour leur entreprise. Les enfants sont repartis avec plusieurs sacs cadeaux de chocolats, chips, gateaux, etc. pour la route !
Avant de quitter Penang nous nous rendons encore dans les temples Thaïs et Birmans qui sont côte à côte car c'est la fête de Songkran ! Le nouvel an bouddhiste dans ces deux pays lors duquel la coutume est de verser un peu d'eau pour se laver de ses fautes. Un symbole de renouveau pour cette « fête de l'eau ». A peine arrivés on découvre un lieu d'affluence, beaucoup de monde, musique techno au plus fort et jeunes qui se déchainent au milieu des temples, on ne peut s'entendre parler, tous sentent l'alcool et d'ailleurs on n'est pas mouillés que d'eau ! Un peu plus loin il semble que ce soit le coin plus familial, plein d'enfants, d'ados et leurs parents ont emmené leurs pistolets à eau en plastique fluo et s'en donnent à cœur joie dans une énorme bataille d'eau glacée !
C'est avec ce pied déjà mis dans les rites du pays voisin que nous quittons Penang pour nous diriger vers la Thailande... Avant d'atteindre la frontière nous fêtons encore un anniversaire : celui des 40.000km qui correspond au tour de la Terre par l'équateur ! Nous aurons mis un peu plus d'un an à les parcourir, et en avons fait d'avantage si on compte nos moments sans le camion... Dans l'Atlas des enfants emporté avec nous il est noté cette question : Combien de temps mettrait-on pour faire le tour de la Terre par l'équateur à pied si on ne s'arrêtait jamais ? Réponse 1 an !