Brunei: mais où est James Bond ?
En quittant le Sabah on se prépare pour une journée passage de frontières... avec un "s". On va devoir cacheter nos passeports 4 fois avant la nuit! D'abord en changeant furtivement d'état Malais, il nous faut de nouveaux tampons, mais heureusement pas d'inspection du véhicule. En revanche, quelques mètres plus loin nous attend la 1ère frontière avec Brunei. Petit sultanat niché en deux parties au beau milieu du Sarawak. En remontant un peu l'histoire de Bornéo on apprend que c'est ce petit sultanat qui occupait jadis la majorité de l'ile, et qui lui a d'ailleurs donné son nom! Il s'est progressivement fait mangé par les différents colonisateurs a tel point qu'aujourd'hui il reste un tout petit territoire, et encore morcelé.
A cette première frontière donc: on quitte la Malaisie sans problème, on montre nos passeports sans problème, mais au moment de passez le véhicule on a un gros problème. L'employé des douanes nous demande un document spécial pour rentrer... et dont nous n'avons jamais entendu parlé! Lu ça nulle part, personne ne rend compte de cette expérience. On cherche à connaître le nom exact sans grand succès, et quand on demande comment on peut se le fournir on nous répond qu'il faut 10jours mais sans parvenir à nous donner la procédure... Pas trop désireux de poireauter 10j dans le "no man's land" on annonce gaiement: "Bon ben c'est pas grave, demi-tour, on contourne Brunei, on ne traverse pas !"... Mais voilà qu'on nous regarde avec un air presque moqueur: "Mais il n'y a pas d'autre route...!". L'affaire se corse. L'employé des douanes nous demande d'appeler notre ambassade pour qu'elle nous renseigne sur le document à fournir... On s'exécute avec son téléphone. A l'ambassade, personne n'a aucune idée de ce dont il s'agit. En cherchant vraiment à comprendre avec les employés sur place il semble qu'il faille ce document pour les "véhicules transformés" et qu'il est établi par un organe du "Ministère des Transports de Brunei", et on nous répète qu'il faut une dizaine de jours. A demander pourquoi d'autres voyageurs avant nous seraient rentrés sans, on nous répond que c'est sans doute parce que nous sommes les premiers à rentrer dans Brunei avec un camion transformé !
Face à notre embêtement, les enfants, l'impossibilité de nous donner la piste pour obtenir le document en question... et surtout à la vue de notre magnifique Carnet de Passage qui leur tendait les bras nous leur avons suggéré de nous laisser rentrer avec ce document là, comme dans tous les autres pays, comme en Malaisie voisine... En appelant Chef et Sur-chef c'est finalement, au bout de quelques heures, ce qu'il a bien fallu faire. Après avoir perlé quelques gouttes tout en gardant sourire et calme on est finalement repartis après une bonne séance de selfies et une distribution de bonbons et de pilons de poulet marinés. Gentils ces douaniers au demeurant... La personne responsable nous a laissé son numéro de portable pour que ses collègues puissent suivre la même procédure plus tard dans la journée. Quelques km plus loin on ressort donc de Brunei, on entre en Malaisie de nouveau, puis on ressort de Malaisie et on passe notre dernière frontière du jour pour entrer de nouveau dans Brunei. Merci au numéro de portable, le deuxième passage illicite n'aura été qu'une formalité.
A la découverte de Brunei, ce qui nous surprend c'est le niveau de richesse. La Malaisie nous a déjà étonnée avec son niveau de vie relativement élevé et sa croissance éclair de ces dernières années. Le tableau est ici celui de belles villas cossues avec grosses cylindrées colorées garées devant, le tout trônant entre d'immenses parcs à palmiers bien entretenus.
On se dirige directement vers la capitale au nom majestueux: Bandar Seri Begawan. Pas d'embouteillages, on arrive rapidement sur le front de rivière et son parking, gratuit, juste a côté d'un immense carré d'herbe et proche du marché de nuit central. Après tous les passages de frontières les enfants ont bien mérité une récréation pour se dégourdir les jambes! On s'assoit donc à coté de notre camion pour les regarder courir. Le défilé des curieux commence: "Where are you from?", "For how much time are you travelling?", "With four children?", "What about school?", "Do you have a job?","For how much time are you in Brunei?", "What do you think about Brunei?" (le grand classique quand on a passé une frontière depuis moins d'une heure), "Can we invite you for dinner?"... Et voilà... déjà invités à diner! On propose juste de reporter cela au lendemain le temps de nous laisser découvrir un peu de la ville.
Au moment où le soleil se couche on se dirige vers la mosquée centrale à quelques pas de notre bivouac... Féérique que de voir les couleurs du bâtiment se transformer à mesure des quelques minutes qui s'égrènent entre le jour et la nuit. Après ce spectacle nous attrapons des fritures (il n'y avait que ça) chez les marchands ambulants et nous partons nous balader dans le parc environnant. Nous apprenons qu'il a été inauguré au mois d'octobre dernier par le sultan! Tout neuf, il remplace une partie de la ville flottante qui occupait cet espace jusqu'alors. Toute cette nouveauté peut sembler bien kitch pour l'esthétique occidentale: couleurs criardes, fluo, néons, doré... Mais l'espace est très bien aménagé, et surtout, il y a de l'air!
Le lendemain nous sommes dimanche, nous nous dirigeons vers un endroit repéré la veille et où les enfants pourraient faire de la trottinette. A peine arrivés sur l'esplanade on croise dans la rue une famille d'apparence européenne avec deux jeunes enfants, en voyant passer Albe sur la trottinette la maman dit: "Oh elle va vite la petite fille là avec sa trottinette!" Bingo, ils parlent français! Evidemment, on s'approche... pas des français: des belges! Probablement les seuls qui habitent Brunei!! On a donc très vite sympathisé avec Fabienne et Vincent et nos enfants ont commencé à jouer avec les leurs: Aurèle et Faustine. On les a suivi dans leur balade dominicale à l'endroit où on peut louer pour quelques dollars brunéiens du matériel pour faire des bulles énormes sur fond de mosquée et de panneaux à l'effigie du sultan.
Rapidement toute la famille nous invite: "Venez à la maison, il y a une piscine, vous pouvez lancer une lessive, prendre des douches..." puis pas bien loin derrière, "Au fait on a même une chambre d'amis si vous voulez dormir au frais!" Heu... Comment dire non! On a donc dormi au frais pendant nos deux jours de visite de la capitale! Pour ceux qui suivent... et oui, nous avions aussi un diner de prévu! Voila qu'Anne et Vincent nous prêtent également leur voiture alors qu'on ne les connaît que depuis quelques heures, laissant notre camion chez eux pour nous rendre à nos obligations sociales. En fait de diner nous n'avons jamais réussi à retrouver Rita, notre hôte. Au gré des connexions nous ne sommes parvenus qu'à deux rendez-vous manqués.
Alors cette capitale: on commence par le centre d'artisanat qui présente dans un univers feutré de bois laqué et de marbre les créations des meilleurs artisans du pays: chapeau, batiks, travail de l'argent et du bois. Toutes les employées étaient paralysées au milieu de leurs boutiques devant les écrans de télévision qui diffusaient une cérémonie à laquelle assistait le sultan sous le soleil plombant de midi. Puis on se rend à temps pour le déjeuner au cœur de Kapong Ayer: la plus grande ville flottante du monde, qui est en fait un très gros quartier de la capitale situé juste de l'autre côté de la rivière, en plein centre. La vue à l'arrivée est très impressionnante, le quartier suit une boucle de la rivière qui s'avance vers le centre, à gauche et à droite ce sont les deux rives qui sont habitées de maisons sur pilotis. On se balade d'abord à pied pour y découvrir un quartier très bien organisé avec écoles, mosquées, musée, cafés, hôtels, caserne de pompiers en bateaux, et même station service... tout cela sur pilotis! Ce qui est encore plus surprenant c'est que le quartier se divise en maisons traditionnelles en bois sans fermeture, et en maisons modernes bien alignées, luxueuses, en dur, avec porte et grille de sécurité! Nous faisons bien sûr un tour avec une des nombreuses navettes bateau et filons jusqu'au palais du sultan aux 260 salles de bains dont le toit ne s'aperçoit que côté rivière à un kilomètre en amont. En jonglant entre les piliers puis dans la mangrove remplie de crocodiles et de singes nasiques à la recherche d'un palais blanc et doré c'est là que nous avons eu une pensée irrépressible: mais comment se fait-il qu'une course poursuite de James Bond n'a jamais été tournée là !
Restait encore le temps d'aller passer notre nez dans le musée central qui présente la vie du sultan, les cadeaux qu'il a reçu, ses réalisations et projets pour sons pays et une reconstitution en taille réelle du cortège lors de son couronnement. Arrivés dans la boutique de souvenirs une des employées se jette sur nous pour nous montrer une photo sur son téléphone: c'est notre Truck! Ben oui, elle nous a vu passer hier et a couru pour prendre la photo... Nous voilà partis pour une séance de selfies, puis elle a farfouillé dans sa boutique pour nous offrir crayons, pin's, cartes postales etc. à l'effigie du drapeau national.
Le lendemain Fabienne nous propose de l'accompagner à la piscine du yacht club... euh toujours pareil... comment dire non! Après-midi de vacances pour toute la famille, sous les palmiers qui séparent la piscine d'un côté et la plage de l'autre ! On a même craqué pour des steaks et cordon-bleu accompagnés de frites et de jus de mangue histoire de ne pas ternir le moment.
Et pour la fin de l'après-midi nous avons encore fait une halte à l'hôtel Impérial commandé par le fils du sultan, qui a aussi fait construire un parc d'attraction juste à côté pour occuper ses hôtes... Avec le bar ouvert à tous pour "high-tea" suspendu au milieu d'une baie vitrée interminable on s'est de nouveau mis à chercher James Bond. A l'extérieur aussi... où le décor est celui de piscines à débordement sur la mer avec les singes qui se baladent dans le parc et quelques belles qui ont revêtu leurs robes de bal pour venir se faire photographier là...
Nous y avons laissé Fabienne et sa troupe et voulons encore remercier toute la famille pour son accueil! De notre côté nous tenions encore à une halte sur la côte nord du pays, au centre de découverte de l'huile et du gaz. Brunei tire sa prospérité de forages pétroliers qui se font au large de ses côtes. La compagnie hollandaise Shell exploite l'ensemble et à crée une ville pour ses employés expatriés qui s'agence autour d'un énorme supermarché rempli de denrées importées européennes (on a même trouvé des livres en néerlandais)! Dans la ville alentour, parsemés ça et là, les derricks pompent sans relâche... Nous avons appris beaucoup sur le pétrole dans ce petit centre particulièrement bien monté avec guide privé à disposition.
Après cette parenthèse dans ce petit sultanat improbable, nous terminons comme nous avons commencé... par le dernier passage de frontière sur Bornéo, celui qui nous permet de rejoindre de nouveau la Malaisie!