Singapour de Waouw en Waouw !!
C'est très tard que nous sortons de notre petit vol Air Asia pour fouler le sol d'un aéroport à moquette qui sent le parfum. Pas de file aux passeports, empruntes digitales pour tous, notre unique sac mis en soute sort le premier. Dans le quart d'heure nous étions dehors à guetter l'Uber qui nous emmènera dans une auberge de jeunesse réservée la veille : un dortoir à quatre lits sous air conditionné nous est destiné pour trois nuits.
Singapour nous séduit d'emblée... On commence par le quartier colonial qu'un taxi s'amuse à nous faire sillonner... belle bibliothèque, l'hôtel anglais du Raffles qui est en travaux, rues emplies de charme, la plupart des musées qui nous intéressent se trouvent là. On se casse le nez au musée d'art dont les expositions sont en cours d'installation pour se rabattre sur le musée national qui se trouve à quelques pas.
Une belle exposition temporaire nous mettant dans l'ambiance de pétales de fleurs numériques qui tombent comme la pluie précède les salles plus classiques qui contiennent l'histoire de la ville à partir des grands hommes qui ont marqué la cité : gouverneur, grand marchand, joaillier de renom, médecin...
Au moment où l'anglais Raffles arrive avec sa flotte en 1819 il a la saine ambition d'en faire un port libre et non un territoire anglais. Il aurait payé le sultan local pour gagner de l'autorité sur l'endroit. On peut voir le lieu supposé de son débarquement encore marqué d'une pierre et de sa statue. Fait rigolo, c'est de son nom que vient le nom de la plus grande fleur qu'on avait déjà présentée depuis Bornéo : la rafflésie.
Plus tard, la lutte avec les hollandais qui occupaient la ville de Malacca plus au nord se solde par une inscription officielle d'un territoire anglais. La ville se développe très vite : télégraphe, routes, transactions bancaires, lois modernes, plans, journaux en anglais. Elle est idéalement située sur la « route maritime des épices » que nous sommes en train de parcourir depuis quelques mois en sens inverse. De nombreuses marchandises passent par ce qui devient peu un peu le plus grand port de la région : épices mais aussi perles, opium, caoutchouc, étain (pour faire les boites de conserves!), etc. Pour faire fleurir ces commerces s'installent marchands arabes, banquiers indiens, transporteurs chinois par milliers qui tiraient les Rikshaws de ces gentilshommes !
En 1900 sont arrivés électricité, radio, cinéma, premières voitures, l'école se répand pour un plus grand nombre. Puis arrive comme presque partout sur les côtes asiatiques l'occupation japonaise. Toujours aussi cruelle et mal vécue dans les pays que l'on a traversés. Ici c'est une purge comptant 20 a 30 mille personnes, principalement chinoises, qui a eu lieu ! Battus lors de la deuxième guerre mondiale, les anglais ont alors récupéré leur « bien ». Mais petit à petit les habitants ont pris conscience de la vie politique, ont souhaité leur autonomie, d'autant plus qu'entre temps les pays colonisateurs avaient été affaiblis par la guerre, pas tant économiquement que dans leur « aura ». Singapour fait alors partie de la Malaisie pour devenir autonome deux ans plus tard, soit depuis 1965 seulement !
Avec cette histoire on comprend un élément qui frappe lorsqu'on visite la ville : la présence simultanée des communautés musulmane, hindoue, chinoise, protestante qui ont chacune leurs quartiers... et le métissage qui en résulte ! Celui-ci est même valorisé dans un musée « Peranakan »... qui rend compte du métissage de Singapour en général et de métissages particuliers, très spécifiques à la région. Comme celui par exemple des femmes malaises qui épousaient des hommes chinois, créant ainsi la communauté des Baba Nyonyas... ceux-ci habitaient tant Singapour que toute la péninsule malaise. Ces foyers, lorsqu'ils étaient riches, ont développé une culture métissée particulière qui peut se définir : travail du perlage poussé au splendide, céramiques aux couleurs pastelles, mobilier incrusté de nacre, habillement de dentelles retenues aux broches et sarongs pour les femmes, langues (avec le baba malay surtout – mélange de chinois hokkien et malais) rites et traditions culinaires toutes aussi métissées... On comprend donc pourquoi finalement tous parlent anglais, la langue officielle à Singapour. Difficile de trouver ville plus cosmopolite...
Après la visite de ces deux musées (National et Peranakan donc), pas fatigués les Six Globe Truckers - enfin les parents un peu quand même, mais les enfants pas du tout... - voilà qu'on enfile encore le Musée des Civilisations Asiatiques qui n'est pas très loin pour s'émerveiller de tous ses trésors... C'est au dernier étage qu'en cherchant à rattraper le nouveau (depuis le Japon) « téléphone qui sert à tout » qui menace de tomber, la manœuvre s'avère plus délétère qu'autre chose... Il finit propulsé encore plus rapidement parterre... C'est un MTT (Mobile Tout Terrain - ben oui, cette fois on met les chances de notre côté)... et il n'a pas une brèche en effet. Mais la mise au point de l'appareil photo ne fonctionne plus... Très énervant. On le garde mais on a de nouveau un gap dans les photos avant de se réorganiser sur une prise de vue avec une autre tablette...
A la sortie de notre troisième musée du jour ce n'est pas fini !! Nous avons rendez-vous avec Marc, un ancien patient de Nicolas avec qui il était resté en contact et qui travaille régulièrement encore à Singapour après y avoir habité plusieurs années. Il nous a donné rendez-vous au Spago, un café au style « tenue de ville » perché tout en haut du Marina Bay Sands, bâtiment emblème de la ville.
On découvre éberlués le « Sky park », vaisseau perché au sommet de trois tours interminables. Trop amusant que d'arriver au 57ème étage en 5 secondes avec les oreilles bouchées pour découvrir une vue démentielle sur l'autoroute de la mer : le détroit de Malacca qui sépare la Malaisie de l'Indonésie et si chargé en porte-containers. De l'autre côté : piscine à débordement sur les gratte-ciels du centre ville... On s'est laissé offrir un petit cocktail genre gin ananas le temps de discuter un peu et d'admirer la vue dont il est impossible de se lasser.
Laissant Marc à sa prochaine réunion nous traversons le centre commercial adossé au Marina Bay en suivant des yeux les barques qui circulent au milieu pour arriver juste à temps au spectacle de son et lumière sur jets d'eau qui est organisé pendant un mois le long de la rivière. On se décide ensuite pour un tour en navette bateau by night pour rejoindre Clark Quay... les quais aménagés et très animés en soirée qui donnent le spectacle de petits restaurants dans des maisons anciennes avec terrasses sur la rivière sur fond de gratte-ciels rivalisant d'excentricité.
Le lendemain nous filons dans le nord de la ville pour découvrir l'immense zoo. Celui-ci à la particularité de laisser de nombreux animaux en liberté dans de grandes serres dans lesquelles on peut entrer. On est donc en contact très proche avec de nombreuses espèces. Et bien sûr celles-ci sont très bien représentées pour les animaux asiatiques en général et d'Asie du sud est en particulier. Le zoo compte par exemple deux tigres blancs, d'innombrables singes, des écureuils volants, etc. Après 3h de balade le zoo ferme, on s'alimente rapidement pour... remettre ça ! Le deuxième zoo va ouvrir pour le « Night Safari ». Ce qui sous-tend cette activité est le fait que 80% des animaux présentés s'éveillent en fait la nuit. Si on veut avoir la chance de les voir en activité de manière naturelle, c'est donc à partir de la tombée du jour qu'il faut se mettre à les chercher. C'est aussi pour cette raison que de nombreuses randonnées nocturnes sont organisées à Bornéo. L'ambiance est vraiment différente : on ne voit plus les barrières et l'éclairage est équivalent à celui de la lune. On se concentre alors plus sur les bruits qui prennent une toute autre ampleur, la plupart des gens adaptent d'ailleurs leurs conversations en les réduisant au silence.
Pour notre dernier jour nous retournons du côté du Marina Bay pour découvrir une autre attraction majeure de Singapour : les Gardens by the Bay. Un ensemble de deux serres et d'une promenade en canopée artificielle construite sur des arbres géants. La première serre présente les végétations du monde entier : australienne, méditerranéenne, japonaise avec des cerisiers en fleurs, africaine avec des baobabs etc. Dans la deuxième serre est reconstituée la quintessence de la végétation tropicale avec une cascade gigantesque et une collection de plantes et d'orchidées à en perdre le compte : orchidées naines, géantes, rares, qui ont gagné des prix, etc. On flâne de merveille en merveille... La balade se termine par un film écologique, une des grandes marottes de la ville qui est particulièrement « verte ». Brève pause avant de découvrir la dernière partie canopée, mais pas de chance, le temps du repas il s'est mis à vrombir coups de tonnerre sur éclair, l'attraction a fermé devant nous.
Nous terminons par le Musée des Arts et Sciences qui se trouve dans le bâtiment futuriste en forme de lotus émergeant d'un plan d'eau rempli de cette fleur. C'est Marc et sa femme qui nous ont conseillé ce musée pour la qualité des expositions qui y sont présentées. Lors de notre passage nous avons profité d'une exposition tournée vers le numérique et très contemporaine, une autre sur les trésors du musée des sciences naturelles londoniens et une dernière sur les graffitis.
Nous sortons lorsqu'il fait déjà nuit et assistons au montage vidéo qui est projeté sur la boule à l'extérieur... Un dernier coup d'œil à toute cette zone si féérique : la Skyline de Singapour, la rivière, les bâtiments futuristes de Marina Bay, le Lotus, les serres que l'on aperçoit encore, les installations lumineuses... et nous voilà partis vers notre auberge pour récupérer les sacs, trouver à diner et être à temps pour notre bus de nuit qui doit nous mener à Kuala Lumpur. Nous devons y récupérer notre Truck le lendemain !
Avec ces trois jours bien remplis (inutile de dire que nous n'avons pas fait une minute de classe), vous aurez compris que Singapour arrive vite dans le palmarès des villes que nous aurons préférées... En plus d'être cosmopolite et écologique elle est particulièrement propre et sûre, tout le monde semble bien discipliné. Et pour cause... les policiers sont partout en civil et les amendes tombent vite : 500 dollars pour ne pas traverser sur le passage piéton, idem si on jette un chewing-gum en rue (d'ailleurs ils sont tout simplement interdits), etc. D'où le jeu de mot qui se trouve sur les T-shirts pour touristes : « Singapore is a fine city... ». Le voilà le revers de la médaille, Singapour est depuis trois ans la ville la plus chère du monde et on confirme que c'est « the place to be » si vous voulez claquer un maximum d'argent en un minimum de temps. A parcourir le groupe Facebook des Singapour frogs (les français expatriés qui vivent là) les deux sujets qui semblaient revenir le plus souvent étaient : le prix des condos (les condominiums, ces grands immeubles à appartement avec piscine commune, salles de sport et autres services qui colonisent les grandes villes d'Asie) ; et quels sont les bons plans WE/vacances pour les Malaisie, Thaïlande, Cambodge, Laos, Vietnam, Birmanie, Sumatra, Java, Bali, Bornéo, Australie alentours. Comme depuis toujours, la ville a connu son essor de par sa situation géographique et reste un endroit idéal à partir duquel rayonner dans ces lieux tous accessibles en ferry, bus ou avion en si peu de temps. Claire, cosmopolite, sûre, écolo, avec le charme de l'ancien de par son histoire, avec des projets futuristes ambitieux qui sont de vraies réussites, où il fait beau tout le temps, voilà donc une ville où on aurait envie d'habiter, si on avait gagné au loto!