Nara, Kobe, Shikoku, Hiroshima, Kyushu… cap à l’ouest !
Depuis le début du voyage nous n’avons jamais eu le soleil dans l’œil… voilà une bonne raison de faire la route vers l’est ! Mais arrivés à Tokyo nous sommes au point le plus oriental de nos pérégrinations… il nous faut donc nous résoudre à faire demi-tour et à prendre le soleil dans la figure.
Notre première idée est de passer le nouvel an à Osaka en faisant une virée dans la péninsule de Kii avant d’y parvenir. Mais au moment où l’on constatait que c’était le premier pays dans lequel nous n’avons pas dû nous rendre dans un garage voilà qu’il se passe une chose étrange… amorçant une descente notre moteur se met à vrombir comme si Nicolas se tenait debout sur la pédale d’accélération ! Assez inquiet, il ne parvient pas du tout à calmer le moteur et nous nous garons immédiatement sur le bas-côté dans un endroit plutôt inconfortable : petit et passant. Nicolas soulève la cabine… regarde toute la journée…ne voit rien d’anormal. On passe des coups de fil, nous ne sommes pas assurés pour un dépannage et nous sommes le dernier vendredi ouvert avant la fermeture hebdomadaire du nouvel an. Après de longues minutes d’hésitations et visant un petit créneau pour sortir de notre place on se décide finalement, sans trop de choix, à redémarrer. Le bruit recommence, l’accélérateur fonctionne à fond sans qu’on n’y touche : le camion se met fatalement à avancer, de plus en plus vite même, à tel point que nous devons griller un feu rouge (personne à ce moment heureusement), Nicolas tenant la bête en 4ème, et avec l’impossibilité de freiner ou de s’arrêter car nos compresseurs mettent 5 minutes à se remplir ! Avec ces 5 minutes nous parvenons tout de même au parking d’une petite supérette que l’on trouve sur la route, et au moment de freiner, tout à coup, le vrombissement s’arrête de lui-même.
Cette fois nous hésitons moins : étant donné que les compresseurs sont remplis nous reprenons la route de suite et allons nous rapprocher, ou d’un garage, ou d’un supermarché (avant que les commerces ne soient fermés pour les congés… et au cas où nous serions de nouveau coincés quelque part), ou des deux ! Nous tombons finalement d’abord sur un grand supermarché dans une ville. Une famille nous voyant garés là et, curieuse de ce qu’il y a d’écrit sur notre camion, elle visite notre blog. Ils ont tous aussitôt filé au magasin acheter des chips et des sucreries qu’ils sont venus nous offrir pour avoir l’occasion d’échanger quelques mots en anglais et poser des questions sur le voyage ! Moins fréquents au Japon qu’en Corée ces cadeaux nous permettent toujours d’affirmer que depuis notre départ, où que ce soit, il n’est pas passée une semaine sans que l’on reçoive quelque chose…
Au sortir des courses et de cette rencontre, notre camion démarre impeccablement. On se gare pour la nuit un peu plus loin et Nicolas passe encore la soirée sous son moteur pour comprendre… Il a fini par trouver ce qui se passait : en appuyant à fond sur la pédale de l’accélérateur, une barre en métal jouait et sortait de son guide pour se retrouver coincée, à n’être plus capable de faire le chemin inverse. La pédale d’accélération restait donc bel et bien appuyée à fond. Il a suffi de visser une cale sous cette pédale pour résoudre le problème… et nous n’aurons donc finalement pas connu de garage au Japon !
Ralentis d’une journée nous abdiquons sur la péninsule de Kii et nous dirigeons vers Nara où nous arrivons le 31 décembre. Nous commençons par visiter la ville, les temples principaux sont réunis dans un immense parc central où les mascottes de la ville, des biches cette fois, vivent par centaine en liberté et au milieu des touristes. En visitant nous entrons en contact avec une famille d’écossais vivant à Brisbane ! Nos enfants se sont bien entendus et ont passé le reste de la journée à jouer ensemble ! Nous avons échangé nos coordonnées et avons promis de nous retrouver si un jour nous parvenons où ils habitent…
Le soir approchant on s’inquiète de l’endroit où on va se garer pour la nuit… on ose aborder le gardien du parking de bus le plus central, censé fermer à 22h, mais celui-ci nous accepte et nous apprend que nous sommes devant le temple le plus important de la ville pour y fêter le nouvel an ! Temple superbe étant d'ailleurs la plus grande construction en bois du monde.
Expérience intéressante que de passer le nouvel an au Japon : loin d’être festive, il s’agit de la fête annuelle, et religieuse, la plus importante. Le passage rituel d’une année à l’autre invite au fait de tourner la page… il faut payer ses dettes, que sa maison soit nettoyée de fond en comble pour être prête à rentrer dans l’année nouvelle. Puis les gens se rendent au temple pour écouter la première prière de l’année. Le 31 aux alentours de minuit les files s’allongent donc interminablement devant les temples. Pas de décompte ni de feux d’artifice ! Lorsque le gong sonne la haute fenêtre de toit, habituellement fermée, s’ouvre sur la tête du Bouddha, les gens commencent à entrer et les prêtres à psalmodier. Tous tirent à cette occasion une sorte d’« horoscope » donnant le ton pour l’ensemble de l’année à venir. Les foules se rendent également au temple le 1er, visite en famille, et pour certaines en kimono, le temps d’effectuer des prières, de recevoir des bénédictions, de sonner le gong, de boire le saké chaud, et d’acheter les amulettes qui remplaceront les anciennes. Il existe des porte-bonheur brodés de toutes sortes de messages : trouver l’âme sœur, rester en bonne santé, réussir ses examens, avoir un enfant, protéger le véhicule - nous avons naturellement craqué pour ce dernier!
Passé ces festivités nous avons rejoint à Kobe la famille d'autrichiens que nous avions rencontré à Oulan Bator ! Ils ont déniché une société de shipping au Japon qui fait des prix normaux... nous hésitons donc par rapport à nos projets initiaux de retour en Corée pour envoyer notre camion au Cambodge et demandons de nouveaux devis. Les prix sont en effet similaires aux prix Coréens, mais nous pouvons faire partir le camion d'Osaka ce qui serait bien plus économique et pratique que de reprendre le ferry et de traverser toute la Corée... En revanche, la société ne dessert que Kota Kinabalu, à Bornéo côté Malaisie. Compte-tenu de l'interdiction qu'il y a de traverser la Thaïlande avec un véhicule étranger nous n'hésitons pas longtemps, et troquons le billet du Truck Séoul-Cambodge pour un Osaka-Bornéo. Nicolas ayant déjà visité la Thaïlande, et Johanna ayant déjà visité le Vietnam et le Cambodge... nous ne sommes finalement pas trop frustrés de passer cette partie de l'Asie du sud-est dans ce voyage ci.
Tout en réglant ces changements nous nous rendons à un rendez-vous : Thoma Matilda, un ami d'ami, nous attend dans sa maison de campagne passé le château blanc d'Himeji. Il est facteur d'orgue et se produit régulièrement avec sa compagne dans un spectacle assez original. Il nous a reçu quelques jours le temps de nous faire goûter du bœuf de Kobe et du bon saké ! Nous avons ainsi connu un Japon plus tranquille que Tokyo, où l'on discute sur des tatamis dans une maison traditionnelle avec des panneaux coulissants et les rizières tout autour.
Après cette petite pause nous entamons la traversée de l’île de Shikoku. Le point d'entrée est assez amusant, le passage est si étroit et les fonds sont si hauts entre les îles que lors des marées, le va et vient de l'eau qui s’engouffre entre les piliers du pont produit un phénomène assez rare : de gros tourbillons ! Bien organisés, les japonais ont crée une passerelle avec des fonds transparents sous le pont pour pouvoir les admirer de près ! Puis nous passons rapidement voir une pièce de marionnettes traditionnelles en bois, une des spécialités de l’île, qui est également productrice d'indigo et de papier artisanal Washi. Les enfants ont d'ailleurs suivi un atelier où ils ont fabriqué leurs propres feuilles.
A ce stade nous avons essuyé une déconvenue : notre téléphone unique qui sert à tout a décidé de nous faire un bug monumental. Dans l'instant : plus de GPS, plus de photos, plus de contacts, plus de Watssap, plus internet, plus de mémos, plus accès à nos comptes en banque... bref... une déconvenue. On a bricolé les premiers jours avec les tablettes et on a sorti un vieux téléphone laissé dans un coin pour ce genre de situation, mais ceci explique le manque de photos pour illustrer ces derniers paragraphes, et nous n'avons toujours pas réussi à récupérer Watssap depuis lors.
Ceci n'empêchant pas d'avancer, nous découvrons l’île de Shikoku, plus rurale, et nous traversons de belles gorges embrumées avant d'atteindre Kochi, grande ville de province la plus au sud. Nous parcourons son charmant marché au puce et surtout son marché d'alimentation intérieur fait de ruelles extrêmement animées. En remontant nous faisons une halte incontournable au Dogo Onsen, vieux bâtiment que Miyazaki a pris pour modèle pour dessiner les thermes de Youbaba dans « Le voyage de Chihiro ».
Nous quittons Shikoku par la route de Shimanami Kaido considérée comme l'une des plus belles pistes cyclables du monde car elle passe au travers de six îles avant de rejoindre Honshu. Nous atteignons rapidement Hiroshima où nous retrouvons notre amie Nolwenn, venue déjà nous accompagner pour quelques kilomètres au Kirghizstan.
Nous visitons ensemble Hiroshima et son Mémorial pour la Paix. Le site est sobre et on peut vite se rendre compte de l'impact que la bombe a eu sur 3km à partir de son épicentre. Le bâtiment, qui par chance se trouvait presque sous la bombe au moment de l'explosion, n'a connu qu'un souffle vertical, ce qui fait que sa structure est encore en partie préservée, contrairement au reste de la ville qui a été entièrement désintégrée en l'espace de quelques secondes. Ce bâtiment est toujours là, il est laissé pour témoigner de ce qui s'est passé. Le Musée de la Paix qui se trouve également sur le site aborde surtout la question de la bombe atomique : le contexte dans lequel elle a été inventée et utilisée, ainsi que la façon dont la ville a été choisie, et ses effets sur l'homme et l'environnement. Mais aucune salle n'est consacrée au contexte dans lequel elle a été utilisée, et il n'y a pas d'informations sur la seconde guerre mondiale. Tony, toujours un ami d'ami, nous a emmené avec son petit fils pour goûter un Okonomiyaki, et nous a confié qu'il déplorait cet aspect autant que nous. Nous devons tout de même saluer cet ensemble construit dans un réel espoir d'appuyer la paix, aucun ressentiment anti-américain ne se faisant sentir en ces lieux.
Poursuivant notre route vers l'ouest nous nous arrêtons pour voir les temples de l’île de Miyajima et son mythique Torii dans l'eau puis dans la ville de Iwakuni qui héberge encore une base américaine. On y trouve de vieilles demeures de Samouraïs et un curieux pont en bois. Le site compte aussi un vivarium de serpents albinos réputés porter bonheur et est surtout envahi de touristes au mois de juin lorsque la pêche aux cormorans est ouverte. Ces oiseaux sont dressés à engloutir des truites attirées par la lumière de feux accrochés aux bateaux. Ils sont tenus en laisse et tirés dès qu'ils ont une prise, les pêcheurs actionnent alors un cercle de métal positionné en dessous de leur estomac pour faire ressortir le poisson immédiatement.
Après une route assez longue nous atteignons enfin l'île de Kyushu, intéressante entre autres pour son activité volcanique. Nous faisons d'ailleurs halte a Beppu connue pour ces sept « enfers »... des piscines d'eau fumantes et colorées de rouge ou de turquoise qui rejettent l'eau souffreteuse des entrailles de la terre. C'est toute la ville qui fume offrant une vue assez spectaculaire à son approche. Les enfants se sont amusés à observer un geyser (auquel on a mis un toit pour ne pas éclabousser les voisins) et de la boue qui fait de grosses bulles... Plus loin nous nous dirigeons vers le volcan Aso. Malheureusement on ne peut pas s'approcher trop près de sa caldera car il a craché de la lave en 2015 et les téléphériques qui permettent d'y accéder sont actuellement fermés. Mais il existe une belle plate-forme d'observation qui permet tout de même de voir les fumerolles s'échapper du plus large cratère au monde. Nous avons eu la chance d'y être alors qu'il avait neigé... ce qui rend le paysage encore plus lunaire.
Nous passons encore voir le vieux camphrier qui aurait servi de modèle pour l'antre du Tottoro de Miyazaki, et quelques beaux temples et jardins zen avant de laisser Nolwenn à Fukuoka. De notre côté nous filons dare dare vers Osaka pour y déposer notre Truck le lendemain, lorsque nous apprenons in extremis que notre bateau à du retard lié au mauvais temps... il partira finalement dans 15jours ! Nous prenons donc le temps de remonter plus tranquillement en explorant encore la côte nord de la mer intérieure de Seto. Nous tombons sur le ravissant petit port qui a servi de fond de décor pour Ponyo cette fois (non, nous n'avons pas fait un parcours spécial Miyazaki... mais c'est un heureux hasard), et nous en profitons pour nous rendre dans une des nombreuses îles de cette mer qui est désormais dévolue à l'art contemporain. Notre choix se porte sur l’île de Inujima sur laquelle se trouvait une fonderie. La transformation des ruines sur fond marin en site artistique est particulièrement réussie, l'ambiance qui y règne autant que les œuvres nous ont tous conquis !
Avant de quitter le Japon et après y être restés presque deux mois nous voulons passer quelques informations pratiques : nous n'avons finalement jamais payé l'autoroute excepté pour prendre les inévitables ponts qui mènent à Shikoku et à Kyushu. Outre les routes nationales gratuites, il existe des « Bypass » qui sont de grosses autoroutes, gratuites également, et qui permettent de passer rapidement les grandes villes. Pour se garer, outre les Michi-no-Eki (Parc and Sleep), l'option la plus simple reste les parkings des « Convenient Store », ces magasins (7/11, Lawson, Family Mart, etc.) que l'on trouve à tous les coins de rue offrent des places pour que les camions puissent y passer une nuit. Ils ont aussi des connexions wi-fi gratuites qui sont salutaires lorsque l'on sait que 2Go coûtent 30 euros. Nous avons trouvé de l'eau potable dans les parcs, mais les fontaines n'étant pas toujours faciles d'accès par rapport au parking, nous avons rempli nos bidons en petite quantité et plus régulièrement. Pour vidanger les eaux sales, il y a des égouts et des toilettes publiques partout. Il est par contre beaucoup plus difficile de se débarrasser des poubelles, une vraie lutte quotidienne ! Bien que ne payant pas de transports ni de logements nous avons tout de même doublé notre budget dans ce pays. L'alimentation reste chère et tout est vendu en très petite quantité. Les fruits et légumes en particulier - entendons ceux que nous avons l'habitude de manger et de cuisiner - sont hors de prix : à titre d'exemple un melon coûte 25 euros, et s'offre d'ailleurs en cadeau.
Notamment pour cette raison financière, et aussi car nous sommes pressés de rejoindre des températures plus douces en cette fin janvier, nous préparons rapidement notre Truck (supprimer les affaires volables de la cabine avant et des coffres extérieurs - bien que le Japon soit un pays particulièrement sûr) pour le laisser attendre tout seul sur les quais tandis que nous filons finalement vers Taïwan le temps de sa traversée vers la Malaisie !