Arrivée japonaise ou l’histoire d’un Truck en Lilliputie…
Au départ de la Corée nous avons mieux supporté notre traversée vers le Japon : l’équipe de DBS voyant arriver la horde familiale nous a surclassé dans une pièce AVEC télévision, et nous avons mesuré directement le bénéfice de la distraction sur nos estomacs. A quelques minutes de l’arrivée nous avons vécu dans l’excitation générale notre premier lever de soleil sur le Japon !
L’arrivée n’est pas simple… la compagnie de ferry a procédé au pré-enregistrement de notre Carnet de Passage et à la commande de la traduction en japonais du permis de conduire international de Nicolas, mais il faut se rendre en personne - et en transports en commun - au bureau de la JAF (Japanese Automobile Federation) à l’arrivée pour obtenir les documents, et le bureau est à 50 km du port ! Cette petite formalité prend donc une bonne partie de la première journée… Puis il faut être de retour à temps pour montrer ces documents aux douanes avant qu’elles ne ferment. Puis vient le tour de l’inspection du camion où les produits d’origine animale sont traqués (pas de rage au Japon), autant que les traces de drogues (avec des lingettes passées partout et analysées). Reste à conclure l’assurance avec la compagnie de ferry et nous voilà partis ! Nous avions été prévenus : pas d’endroits pour retirer des yens à l’arrivée donc nous avions déjà pris une réserve avant de quitter la Russie pour faire face à ces différents frais.
Nous bivouaquons non loin du port de Sakaiminato pour notre 1ère nuit et Arthaud a eu le plaisir de constater que nous étions sur un spot de pêcheurs… il s’est joint à eux et n’a pas mis deux heures à attraper une dizaine de sardines et trois fugus ! Nous les avons bien sûr tous remis à l’eau pour n’intoxiquer personne…
Notre premier grand jeu a été de nous rendre dans un supermarché. Le caddie est minuscule, comme les portions de tout ce qu’y s’y vend ! On peut compter les pâtes ou les petits pois dans les paquets. Les carottes sont pré-emballées à l’unité, certaines pommes de terre aussi ! Et d’une manière générale tout est suremballé. Les japonais sont très sérieux sur le tri-sélectif et 90% de leurs déchets sont recyclés… mais c’est fou ce qu’il y en a ! Par la suite nous avons d’ailleurs eu beaucoup de difficulté à nous débarrasser de ces déchets car il n’y a aucune poubelle publique nulle part. Et pourtant tout est si propre… voilà un premier paradoxe qui nous frappe dans ce pays ! Pour continuer la visite du supermarché, les rayons de chaufferettes et de masques en papier sont impressionnants, de même que celui des décorations de pique-nique pour les enfants (pour les « mamans-bento »), ou encore celui du tofu. Il y a des mètres consacrés aux plateaux de sushis préparés ainsi qu’à toute une série d’autres plats préparés (croquettes, tempura, etc.), nous avons bien sûr tout gouté de manière systématique au fur et à mesure.
Premier test de routes (de l’autre côté de la voie, ici on roule à gauche !) et en effet : elles ne sont pas bien larges. Proportionnelles aux voitures sur place. Nous condamnons d’emblée toutes les routes « blanches » de notre GPS de peur de rester coincés dans un virage trop serré pour nous ou face à une autre voiture dans l’impossibilité de se croiser. Ces routes ont néanmoins des bas-côtés aménagés régulièrement et nous avons tout de même constaté que les chauffeurs les utilisaient dans une danse habile et patiente, ou chacun attend son tour pour passer. Pour compliquer l’affaire d’avantage, très nombreux sont les endroits où il n’y a pas de trottoirs et où les égouts sont creusés à ciel ouvert… les routes étroites se terminent donc, immédiatement passé la ligne blanche, par des crevasses abruptes et très profondes qui ne pardonneraient pas si un bout de roue devait quitter le bitume.
Avec ces premiers reflexes rapidement pris nous entamons nos visites avec le château de Matsue. Il se visite des châteaux un peu partout au Japon : il faut laisser ses chaussures à l’entrée donc, en décembre, on visite les pieds gelés. Ce sont des structures en bois assez petites comparées aux châteaux européens, entourées de douves et de beaux jardins parfaitement entretenus, généralement vides à l’intérieur (parfois quelques objets sont exposés). Ils sont construits tout en hauteur et demandent d’enjamber des escaliers extrêmement raides pour en apercevoir la vue au sommet.
Nous nous rendons ensuite dans « le plus beau jardin du Japon » non loin de là… il se regarde derrière de grandes baies vitrées, en silence (documents destinés aux parents pour museler les enfants faisant foi) et il est évidemment interdit de poser le moindre orteil à l’extérieur. Toutes les vues sont parfaitement travaillées, une cascade installée dans le creux au bon endroit, pas d’autres bâtiments à vue, les parterres de mousse rejoignent les jardins zen (jardins de graviers ratissés), quelques rochers sont placés élégamment et les arbres, suivant leurs floraisons viennent colorer le tout. L’ensemble est très esthétique et probablement reposant… quand on visite sans ses enfants !
Direction les dunes de Tottori que nous avons parcouru sous une pluie battante et un vent à se faire renverser ! Heureusement qu’il y avait un musée de sculpture sur sable sur place pour s’abriter le temps de laisser passer le plus gros de l’ondée. Et pour terminer le récit des visites de la côte nord nous avons finalement poussé jusqu’à Amanohashidate : une langue de terre sablonneuse recouverte de pins qui rejoint les deux bords d’une baie. Un petit téléphérique permet de voir ce spectacle de haut.
Venu le temps de se laver nous faisons halte dans une des nombreuses villes dédiées aux Onsen : bains publics trouvant leurs sources dans des eaux thermales. Le principe est semblable à ce que nous avons découvert en Corée : on laisse tous nos habits au vestiaire, on se dirige vers les petites douchettes basses pour se laver, et quand on est bien propre on va se tremper dans un bain bouillant. La différence est ici que les visiteurs prennent des pass qui leurs donnent accès à tous les bains de la ville. Donc quand on a fini ses ablutions, on met un peignoir (yukata) et des sandales en bois (getas), on se rend au bain d’à côté… et on recommence ! Se promener au milieu des maisons traditionnelles avec le cours d’eau qui serpente au milieu, les saules qui le bordent et les japonais en yukata dans les rues est tout à fait magique.
Nous avons réussi à trouver des endroits libres pour bivouaquer pour la nuit sans trop de difficulté pour ces premiers jours… jusqu’à ce que l’on se gare sur le parking d’un magasin à 100 yens, où nous avons fait des achats, et que l’on y reste pour dormir. Le lendemain les enfants se réveillent avec la surprise du passage de Saint Nicolas quant à 7h, nous avons une armée de 3 voitures de police, qui, interpellés par la concierge du lieu sont venus très gentiment nous expliquer que le parking ferme à 22h. Le ton est plutôt curieux et sympathique mais le fait de contrôler nos papiers prend tout de même une bonne heure. Pas trop habitués à trouver une plaque étrangère sur leur territoire il a fallu appeler le chef et le sur-chef pour voir ce qu’il convient de faire. Vérification terminée, nous voilà repartis, et prévenus qu’il vaut mieux faire attention aux panneaux de fermeture de certains parkings si l’on veut faire la grasse matinée. 3 heures plus tard et en route vers Kyoto le tout recommence : une voiture de police nous interpelle et nous invite à nous ranger sur le bas-côté. Cette fois nous n’avons pas commis d’erreur mais -re- ils sont juste surpris de trouver des plaques étrangères sur leur territoire – à ce rythme-là nous avons peur de ne pas avancer bien vite ! 5 voitures de police rien que pour nous, re-très courtois, re-téléphoner au chef et au sur-chef, re-passer une heure à attendre qu’ils aillent à leur poste photocopier tous nos papiers et nous voilà re-partis dans la joie et la bonne humeur.
Première épreuve de la grande ville avec Kyoto. Avec ce que nous avons lu sur les forums nous préférons tenter un parking à quelques stations de train du centre que d’essayer de rentrer dans la ville pour y trouver une place. On se met donc en mode -radar du bon spot- en suivant la ligne de chemin de fer qui se dirige vers Kyoto et déjà à 5/6 stations de train on ne trouve pas une seule place pour se garer… après plusieurs heures de recherche et des tentatives infructueuses (parking trop incliné, trop près de la route, privé en fait !) Nicolas repère un menuisier qui possède un terrain vague sur lequel il range ses camions de chantier. Il demande si nous pouvons loger sur son terrain pour la nuit et il accepte ! C’est en prenant le train vers Kyoto que nous repérons alors un grand parking pour bus à 7 euros la nuit non loin de là : trouvé notre hébergement pour la suite !
Nous restons 5 jours à Kyoto le temps de parcourir que très peu de ses 2000 temples et palais. Nous avons vu de très beaux jardins zen, le palais d’or (et la 1ère horde de touristes que nous avons retrouvé depuis…. en fait on ne se souvient pas d’avoir été entouré d’autant de touristes où que ce soit depuis le début du voyage), le magnifique temple en bois et tout en longueur de Sanjusangen-do qui abrite une impressionnante collection de 1000 statues de la déesse Kannon (photos rigoureusement interdites). Nous avons bien sûr fait le détour pour voir le sanctuaire si connu de Fushimi Inari, avec ses enfilades de Toriis (grands portiques en bois représentant le ciel qui indiquent l’entrée d’un temple ou sanctuaire shintoïste) vermillons dédiés au Kami des moissons et qui enlacent toute une colline. Difficile de traduire le «Kami», ni vraiment Dieu ni vraiment esprit, ils sont vénérés par les japonais et représentent les éléments de la nature, la force de certains animaux, l’âme des morts, ou même un concept généralement heureux (fertilité, moisson, etc.).
Quelques temples et les ruelles plus anciennes sont assaillis par les jeunes japonaises qui viennent s’y photographier en Kimono, ce qui rend l’ensemble d’autant plus charmant et photogénique. Mais le plus mythique est la balade dans le quartier de Gion, LE quartier des Geishas. Nous n’avions pas réalisé qu’il serait si difficile d’en apercevoir, elles sont de sortie vers 18h pour rejoindre leurs restaurants et il faut tenter de les apercevoir lorsqu’elles sortent de leurs maisons pour se précipiter dans les taxis, ce qui nécessite toute une stratégie : venir au moins un quart d’heure à l’avance pour augmenter ses chances, tenter de sillonner les rues parallèles à la rue principale, ou de repérer le parcours des taxis qui s’échappent du quartier avec leurs gants blancs, en n’oubliant surtout pas de regarder dans tous ceux qui passent ! Ce petit jeu nous a beaucoup amusé, autant que la dame qui accompagnait justement une Geisha vers un taxi, lâchant un sourire en nous voyant faire notre manège et saluant finalement la rue dignement avant de se retirer. Nous en avons par chance aperçu quelques-unes mais le summum a été de nous rendre à un spectacle pour touristes, où nous avons vu une « vraie » Geisha pratiquer différentes danses rituelles. Par chance une partie du spectacle a été annulé et la compagnie de théâtre nous a offert un cadeau en échange : une photo – et une seule – avec Makiko, la Geisha qui dansait ce soir-là.
Kyoto a aussi été le lieu de la consécration pour Arthaud : fana d’origamis depuis longtemps il attendait avec impatience la visite du Japon… et nous avons trouvé un maitre en origamis ! Il fait des œuvres d’art où des centaines de grues sont pliées à partir d’une seule et unique feuille immense ! Ils ont fait la course pour plier une grue… et c’est le Monsieur qui a gagné… avec un sourire et livrant « un petit truc en plus » pour la prochaine fois !
Nous continuons notre boucle en traversant le lac Biwa, plus grand lac du Japon, et l’on s’arrête pour visiter le château de Hikone qui le surplombe. La visite n’est pas bien différente du château de Matsue mais nous découvrons ici un principe cher aux japonais : celui de la mascotte ! Chaque ville ou lieu culturel se dote d’une mascotte à partir de laquelle toute la promotion de l’endroit s’installe. Ici c’est un chat blanc… qui se balade à ses heures autour du château. Les touristes viennent finalement plus pour se prendre en photo avec le chat que pour voir l’intérieur du château ! Cette mascotte-ci vaut la peine qu’on la présente d’avantage. Son choix vient d’une légende… un des seigneurs de Hikone aurait été assis en dessous d’un arbre, lorsqu’il aperçut un chat blanc qui lui faisait signe d’avancer vers lui. Très intrigué par ce geste venant d’un animal, il se lève et s’approche du chat. A ce moment un coup de tonnerre s’abat sur l’arbre sous lequel il était assis, et l’arbre s’écroule à l’endroit précis où il se trouvait auparavant ! Il se retourne donc dubitatif et reconnaissant vers le chat… salvateur ! C’est de cette légende que vient la commercialisation de masse en Asie de tous les petits chats blancs en plastique qui hochent la patte gauche pour vous inviter dans un restaurant ou une boutique, les Maneki Neko devenus depuis des symboles pour attirer la chance. La version qui hoche la patte droite existe aussi, attirant alors la fortune !
Nous tentons une remontée vers les Alpes Japonaises, parait-il si belles, et voulions visiter Kanazawa, Takayama, Matsumoto, et surtout Nagano avec sa piscine de macaques… mais nous tombons rapidement sur des trombes de neiges qui finissent par nous bloquer au bout de quelques kilomètres. Ayant déjà eu notre lot de paysages blancs et de stress sur les pentes verglacées en Sibérie, on fait bien vite demi-tour en laissant tout ça pour une autre fois. Grande route vers le sud où l’on contourne Nagoya pour se diriger directement vers le point culminant du Japon : le mont Fuji. Il s’élève seul au milieu de la plaine ce qui offre un spectacle absolument majestueux. A l’avoir devant soi on comprend pourquoi il a inspiré autant d’artistes. Heureux sommes-nous d’y rester deux jours pour observer le ballet des nuages qui jouent à cache-cache avec son sommet. Il ne se gravit qu’en juillet et août, et, sachez Mesdames, qu’il était interdit aux femmes, jugées impures pour accéder à ce lieu sacré, jusqu’à ce que Takayama Tatsu, décide en 1832 de faire fi de la loi et d’être la première à y inscrire son nom.
Après cette pause nature nous nous dirigeons, tous assez curieux et impatients vers Tokyo, une des plus grandes villes du monde !