Mongolie : « Land of blue sky » et gros changement d’itinéraire !
Nous arrivons en Mongolie le lendemain de la rentrée. Après les formalités douanières russes nous voilà aux mains des mongoles. Tampons de passeports, 60 roubles russes à payer au bureau de la quarantaine, à quatre derrière notre « carnet de passage », il aura fallu 2h, monter puis redescendre un étage, visiter trois bureaux inutilement, pour que le bon document soit rempli. Entrevue rapide du camion plutôt que fouille et nous voilà presque dehors. Une dame nous attend encore passés la première grille… 15.000 togrot mongoles à payer – heureusement que nous en avions tiré un peu dans le distributeur à l’intérieur des douanes ! Par chance le bureau d’assurance est encore ouvert à la frontière : 24eur pour les 40j.
Nous tentons déjà une visite à 80km de là : une des dernières fabriques d’arcs et de flèches ! Hélas le patron a fermé pour 3j, il est allé porter de la marchandise à la capitale. La Mongolie est réputée pour son Naadam, la fête nationale qui a lieu en juillet et où se disputent des tournois de lutte, de courses de chevaux et de tir à l’arc ! Nous continuons notre chemin et parvenons assez rapidement à la troisième plus grande ville du pays, Darkhand, où nous trouvons une carte sim locale.
Puis nous allons sur la route du monastère d’Amarbayasgalant… le guide annonce 3h de piste au bout de laquelle se trouverait un des plus vieux monastères du pays. Construit en 1727 il aurait conservé son charme et serait toujours actif. Le guide s’est avéré plutôt optimiste… au bout de 4h nous étions toujours sur la piste à 15km de l’endroit en train de nous faire rattraper par la pluie et la nuit. Grosse erreur : on ne s’arrête pas, obstinés à atteindre notre but semblant si proche, mais nous ne voyons plus les différentes pistes potentielles et tombons assez vite sur un terrain très boueux. Nicolas pense que ça passe, avance, patine, enclenche le 4x4 pour la première fois depuis le début du voyage, passe effectivement, se retrouve sur une butée et de l’autre côté dans un cloaque encore pire. Les roues sont attirées dans le fond des tranchées où on se retrouve complètement bloqués. Impossible de se sortir de là, il fait nuit, il pleut, il est 21h… et surtout : c’est le jour de l’anniversaire de Nicolas que nous n’avons toujours pas fêté et les enfants trépignent à lui offrir ses cadeaux !
On se décide à dormir dans notre trou boueux (pas trop le choix) quand une voiture passe… on fait signe tout de même. Deux mongoles sortent, tentent d’expliquer à Nicolas la manœuvre, et l’un d’entre eux finit par prendre le volant. Impossible de reculer, impossible de sortir de la tranchée… il choisit l’option que nous avions bannie d’emblée : continuer à avancer dans le fond de la tranchée ! En première à fond il nous fait avancer sur plusieurs mètres dans un grand bain de boue, prend de la vitesse, tente une sortie, le camion glisse de nouveau vers le fond - les enfants se moquent encore de mes hurlements à ce moment - il reprend de la vitesse, reprend la côte en angle droit… le camion glisse en arrière - re-hurlements - le mongole rigolait bien, lui… il pile sec. Remonte doucement cette fois… et nous voilà tirés d’affaire ! 22h, un saucisson russe sacrifié en guise de remerciements, nous voilà enfin à fêter notre Nico : vin blanc ramené de France, bon pâté, piperade de poivrons… nos réserves sont tombées à pic !
Le lendemain nous trouvons trois ou quatre pistes assez sèches juste à côté de là où nous nous sommes enfoncés. Nous arrivons au monastère au moment de la prière chantée. Très beau moment… ambiance Tintin au Tibet. Les moines à partir de huit ans chantent les prières en lisant des « livres » - feuilles rectangulaires volantes rangées dans deux rectangles de bois et emballées dans du tissus - avec leurs baskets Nike aux pieds, les téléphones portables dans les poches, et les plus jeunes en train de grappiller les Choco-Pie coincés dans leurs pupitres. Un des moines parle un peu anglais, il nous ouvre les temples et nous fait la visite puis nous gravissons les marches pour atteindre les Bouddhas qui observent l’immense vallée.
En redescendant nous repérons de loin un camping-car à côté de notre camion ! Vision assez improbable vu la qualité de la piste… et l’endroit absolument perdu… mais il est bien là avec une famille de rémois !! Pierre-Antoine, Jennifer et leurs trois enfants Léopold, Capucine et Augustin sont tout aussi contents et surpris que nous de pouvoir trouver des compagnons de jeux et de discussions ! Arrivés trop tard pour les chants ils décident d’attendre le lendemain en dormant sur place et nous les accompagnons… préférant tous deux reprendre la piste en convoi.
Nous avons poursuivi ensemble jusqu’à la deuxième plus grande ville du pays, Erdenet : immense chantier d’extraction de cuivre que nous essayons, sans trop de succès de visiter. Encore une soirée à discuter et jouer au coin du feu puis nous avons dû nous quitter. Ils s’en vont voir le lac de Khövsköl au Nord tandis que nous cherchons à rejoindre rapidement Oulan-Bator. Nous sommes dans les dernières limites pour demander notre visa chinois avant que l’ambassade ne ferme pour la semaine de vacances annuelle… à laquelle il faut encore rajouter les dix jours nécessaires aux démarches. Contrairement au service de visa à Paris, celui de Bruxelles a refusé de nous délivrer exceptionnellement le visa six mois à l’avance (la règle veut qu'ils soient délivrés deux mois à l’avance), nous sommes donc les derniers du groupe à ne pas les avoir.
En route nous nous arrêtons près d’une yourte pour la nuit et le lendemain nous sommes invités pour un petit déjeuner… super excités de rentrer dans une vraie yourte chez des vrais gens pour la première fois ! La maitresse de yourte nous sert du thé salé avec des petits paquets d’omelette sucrée et quelques biscuits genre « navette » de chez nous. La « conversation » reste très basique, à part « Sambayno » (Bonjour) et « Bayarlaa » (Merci) nous n’avons pas réussi à retenir grand-chose ! On repère l’aménagement classique des yourtes : la porte au sud, avec les coffres en bois orange au fond qui portent les photos et les objets religieux, deux lits de part et d’autre, le foyer au centre avec le fromage qui se fabrique, les piles de feutres et matelas d’un côté de la porte, la « cuisine » de l’autre. Tous les hommes sont encore en habits traditionnels, un grand manteau en laine croisé jusqu’à l’épaule retenu par deux boutons, et une large ceinture colorée à la taille.
Nous arrivons dans la capitale, étonnamment occidentalisée, juste à temps pour cueillir notre troisième passager, Tristan, le frère de Johanna, venu nous rejoindre pour une dizaine de jours. Après un arrêt au stade d’entrainement de tir à l’arc, une balade dans le plus grand marché du pays, et la vue d’un spectacle pour touristes (toutes les particularités de la Mongolie y sont représentées : chant diphonique, instruments et costumes traditionnels, danse des masques et contorsionnistes), nous lui proposons un premier bivouac près de l’ambassade de Chine en plein centre-ville pour y demander nos visas à la première heure !
Pour obtenir un visa chinois à Oulan-Bator il n’y a pas d’autre choix que de venir devant une toute petite porte sur le côté de l’Ambassade. Lorsqu’elle ouvre à 9h30 le gardien distribue immédiatement vingt tickets roses pour les « foreigners » et soixante tickets bleus pour les mongols. Le quota étant quotidien il est tout à fait inutile de se présenter à 9h40, les jeux sont alors déjà faits. Les personnes entrent ensuite par paquets de dix dans les locaux. Comme vous l’imaginez, pour être sûr d’être dans les vingt premiers de la file côté rose, il faut s’y prendre très tôt. Les premiers sont là vers 6h30, à 8h00 il n’est déjà plus certain d’avoir son ticket. Nicolas s’est donc levé très tôt pour tenir la place, nous l’avons rejoint vers 9h alors que toute la file était déjà bien congelée et rêvait d’un café. Surtout côté mongol où 600 étudiants doivent obtenir ces visas à cette période pour commencer leur semestre en Chine où ils sont acceptés. De leur côté c’est la nuit qu’ils ont passé devant la petite porte…
Deux personnes devant nous, une touriste danoise qui obtiendra son visa dans la journée, puis une Thaïlandaise qui voyage en couple avec un Ecossais suivant le même itinéraire que nous depuis l’Ecosse. Pour elle la question tombe : « Why did you go to Turkey ? »… we will need to check your documents for one month to two months, and you are not sure to get a positive answer at that moment… » Ce genre de délai n’est évidemment pas inscrit officiellement sur le site, et pas tenable pour nous… notre groupe part dans un mois ! Normalement, en payant en urgence, on peut obtenir les visas dans la journée, il suffit de présenter les documents requis, ce qu’elle avait. Elle est repartie sans introduire la demande… Nous apprendrons plus tard que son compagnon a traversé la Chine tout seul avec son groupe, elle l’a rejoint de l’autre côté en avion.
Notre tour : « In your situation it will take one to two months to check your documents… et … même chose ». Heureusement qu’on avait eu les trois minutes de la personne précédente pour se faire à l’annonce et réfléchir à la stratégie : on entre quand même les documents malgré le délai annoncé et on essayera ensuite de le réduire. Très surprise par le fait que l’on souhaite quand même rentrer les documents la dame du centre a répété plusieurs fois, cherché à nous dissuader… puis elle a vérifié tous nos papiers pendant une heure, a commencé à nous attribuer des numéros, nous a préparé un document de paiement... puis s’est retournée vers une de ses collègues, ont échangé deux phrases, elle a barré tous les numéros… et nous a tout rendu disant qu’elle nous appellerait jeudi ou vendredi.
A peine sortis nous nous rendons immédiatement à l’ambassade de France pour demander ce qui se passe et voir quel est le problème. Le consul nous explique que les Chinois ne communiquent jamais officiellement sur leurs raisons d’acceptation ou non de visas, et qu’il a été constaté que les tampons turcs dans les passeports étaient motifs - informels donc - de refus depuis plusieurs semaines (dû aux tensions entre la Chine et la minorité des Ouïghours proches des turcs). Il s’est tout de même proposé d’appeler pour nous… ce qu’il a fait, mais il n’a pas obtenu plus d’informations. Nous avons aussi contacté le consul honoraire de Belgique, que nous avons par ailleurs rencontré le soir même au Trikstell : LA crêperie française d’Oulan-Bator à l’occasion d’une grande soirée organisée par l’Alliance française ! Il nous a promis de se rendre le vendredi matin avec nous en personne à l’ambassade pour tenter de réintroduire notre dossier s’ils n’avaient pas appelé le jeudi.
Nous sommes lundi… rien à faire d’autre que du tourisme en attendant… il nous invite pour 3j dans le parc de Terelj à une randonnée en vélo organisée pour son fils et ses amis qui sont de passage ! Le consul tient aussi un magasin de vélo de très bonne qualité et organise des sorties de plusieurs jours en Mongolie (Cycling World) ! Pour avoir un aperçu du week-end vous pouvez aller jeter un œil au petit film fait part Pierre, un des amis, à l’aide d’un drone ! Voilà le nôtre : https://www.youtube.com/watch?v=e12JOYpaS-Y&t=0s
Ambiance glamping, délicieux repas à l’arrivée, vin, chauffage, tentes installées dans un endroit de rêve au bord de la rivière… La Mongolie est surtout réputée pour ses chevaux, mais pour ceux qui ne savent pas si bien monter ou qui ne tiennent pas à passer dix jours sur des selles en bois (eh oui !) l’alternative vélo est à considérer sérieusement ! Il nous a semblé que c’était vraiment le meilleur moyen de découvrir ce superbe pays.
De retour en zone connectée le jeudi nous ne recevons pourtant pas d’appel. Cela ne nous empêche pas de continuer la visite d’Oulan-Bator et de ses environs. Nous sommes montés sur la plus grande statue équestre du monde représentant celui qui a eu le plus grand des empires : Gengis Khan !
Le vendredi matin nous recommençons donc toute l’affaire des tickets roses : bivouac près du centre de visa, levé 6h pour l’un, file à 9h pour les autres dont Joël Cachet, notre consul qui nous a rejoint à ce moment, froid... à 9h30 la porte s’ouvre et au lieu de distribuer les tickets une dame explique que le « système » sera dysfonctionnel pendant un mois minimum. Seules les personnes qui ont des cartes de résidents peuvent entrer. Pas de visas pour les autres… Les nombreux touristes de passage se ruent pour poser d’autres questions et notre consul en profite pour montrer sa carte et entrer. Il aura plaidé notre cause pendant 2h auprès du consul chinois, arguant que nous allons nous retrouver illégaux en Mongolie (nos visas expirent à un moment), que nous ne pouvons pas quitter le pays sans notre véhicule (loi mongole… nous ne pouvons donc pas « juste prendre l’avion »), que nous ne pouvons pas repartir par la Russie dans un froid Sibérien avec quatre jeunes enfants etc… rien n’y fait… c’est non.
Quant à la raison nous l’aurons par d’autres biais : notre agence en Chine et l’ambassade de France, coutumière du fait, nous expliquent : il s’agit du grand Congrès du Parti Communiste Chinois. La date change chaque année et on ne peut la prévoir un an à l’avance lorsque l’on commence à préparer le voyage. Mais un mois avant, les centres de visas deviennent beaucoup plus suspicieux et ferment leurs comptoirs partout pour les non-résidents. Le fait de nous annoncer un appel jeudi ou vendredi sachant cette échéance n’était que stratégie pour gagner du temps et trouver à nous refuser sans avoir à discuter.
A ce moment, aucun autre choix que d’envoyer nos passeports par DHL à une agence de visa à Bruxelles où nous sommes résidents. Les règles changent d’un centre de visa à l’autre et les tampons turcs ne sont pas censé y poser problème. Agence trouvée (Visa Express) et passeports envoyés, nous avons de nouveau 4j de paix administrative pour aller nous promener : direction l’ouest et la ville de Karakhorin, ancienne capitale de Gengis Kahn et l’endroit où fut bâti le premier monastère bouddhiste du pays. Nous y faisons aussi un tour au marché très local et remontons en passant encore par un lac et des ruines turques, venus envahir jusque-là.
De retour à Oulan-Bator à temps pour déposer Tristan à l’aéroport nous y restons quelques jours de façon à être connectés pour suivre le dépôt de notre demande de visa à Bruxelles. Nous nous posons dans l’auberge de jeunesse archi réputée parmi les voyageurs au long court : Oasis Guesthouse où nous trouvons cinq camions comme le nôtre, dont celui de Jen et PA avec leurs trois enfants, et deux familles de notre groupe Chine que nous sommes très contents de rencontrer : Albane et Manu et leurs trois filles, ainsi que Yan et Sybille et leurs deux enfants. Toute cette marmaille parlant français vit le bonheur de se trouver avec plein de copains pour jouer ! Et nous les grands sommes contents de partager nos problèmes et de récolter les avis d’autres voyageurs : qui a un alternateur à changer, le deuxième un embrayage, l’autre un frigo, et nous des problèmes de visas ! C’est la cour des miracles des voyageurs…
En ce qui nous concerne, le centre de visas chinois à Bruxelles ne pose plus de questions sur les tampons turcs, et il n’est plus question du grand congrès, mais ils demandent deux documents supplémentaires : notre extrait de compte en banque (en 15min c’était fait), et un document prouvant que notre agence chinoise Chengdu Greatway Tour est inscrite au CNTA (National Center for Tourism Administration). On croit l’affaire gagnée et en attendant le document on se met en route pour le désert de Gobi dans le sud du pays. C’est là que nous fêterons les 8ans de Colomban avant une première halte dans le parc de Tsagaan Suvarga pour un bivouac avec vue superbe et randonnée dans le décor coloré.
Après cette pause nous apprenons que notre agence est inscrite au Sichuan, pas au niveau national ! Ils nous expliquent que ce n’est absolument pas obligatoire de s’inscrire au niveau national et que c’est la première fois qu’on leur demande ce document ! Re… nous activons les consuls : de France à Bruxelles et de Belgique à Pékin pour voir s’il est possible de faire quelque chose. Le consul belge à Pékin a mené une enquête pour nous, il a appelé tout le monde pour voir quel est ce document manquant. Il découvre que ce n’est pas l’agréation de l’agence dont nous avons besoin, mais l’agréation du véhicule ! On se tourne de nouveau vers Greatway et en attendant leur document on va visiter le canyon de Yolyn Am.
Ayant posé le camion près de l’entrée du parc pour la nuit on y trouve au réveil un autre camion aménagé… on s’approche pour se présenter et y trouvons Lucas, Yas et leur chien Sanka qui font aussi parti de notre groupe Chine ! On se décide à faire la balade ensemble, trop contents que notre Banban puisse profiter de la compagnie d’un chien !
Comme nous avions tous prévu d’aller ensuite voir les dunes du centre du Désert de Gobi nous décidons de faire voiture commune et louons un 4x4 ensemble pour l’aller-retour sur 2j : 6h aller, 5h retour, dodo dans une yourte non chauffée entre les deux… c’est assez éprouvant mais le spectacle en vaut la peine ! A nouveau un petit film où cet épisode apparait brièvement : https://www.facebook.com/pg/eurasie.toutenkamion/videos/?ref=page_internal
Avec nos camions nous aurions mis une semaine et pris des risques de casse tant les pistes sont mauvaises.
Au retour nous avons des nouvelles de notre agence Greatway qui jure que le document manquant n’existe plus depuis 2015. L’agence nous a même fourni la circulaire chinoise contre-signée par cinq ministères qui l’affirme. Nous avons joint ce document à notre dossier à Bruxelles et le consul français sur place a fait une note écrite à destination du consul chinois à Bruxelles expliquant notre situation et le priant de considérer notre cas. Avec tout ceci, après avoir passé deux jours pleins à envoyer plus de cent mails, passé des coups de téléphone partout, notre agent de visa à Bruxelles se rend pour la quatrième et dernière fois au centre de visa, s’accroche avec les dents au comptoir pendant 2h30… et nous sommes jeudi, veille du grand congé annuel chinois. La semaine suivante tout est fermé partout.
A force d’insistance de tous côté et au moment où on n’y croyait plus ils finissent par accepter notre dossier !!!! Ils prennent nos documents et nous font un bon d’acceptation ! Notre agent doit revenir les chercher le lendemain à midi ! Il nous envoie les photos du bon et tout le monde saute de joie : resto poulet frites pour fêter ça !!! On se met en route vers les Flaming Cliffs, et la forêt de saxaul. Rarissimes arbres du désert, ils ont une racine qui s’enfonce dans le sol, et une autre horizontale. L’endroit où il y a une "forêt" est donc tout à fait unique.
C’est là que nous recevons un mail de Konstantin, notre agent de Visa Express à Bruxelles… le centre de visa a téléphoné pour dire qu’ils refusent notre dossier. Ceci est très très rare… lorsque les documents sont acceptés, normalement, il n’y a plus de refus. Et nous devons bien sûr payer les visas puisque les agents chinois ont travaillé pour nous : 1.400 euros perdus pour l’ensemble (visas chinois, agence à Bruxelles, envoi aller-retour par DHL). Sans compter l’acompte de 350 euros versés à l’agence chinois depuis longtemps… Avant qu’ils n’acceptent nos document le jeudi nous nous étions faits à l’idée que nous n’aurions probablement pas ces visas, mais comme nous avions été acceptés entre temps cette nouvelle rend la situation d’autant plus frustrante…
Cette fois nous ne pouvons rien faire de plus que d’attendre le retour de nos passeports. De nouveau quelques jours de liberté administrative où nous allons vers les ruines de Ongiyn Khiid, un monastère Bouddhiste entièrement détruit par les soviétique en 1937 à une époque où la religion n’était pas en grâce. L’endroit est assez charmant, les paysages sont plus montagneux, une jolie rivière serpente au fond de la vallée. Et dans ce lieu absolument désert en cette saison on y rencontre miraculeusement un groupe de 4 touristes espagnols qui nous invitent à leur table avec leur guide et leur chauffeur ! Super soirée passée avec eux… on a pu poser toutes nos questions à leur guide anglophone et le chauffeur n’a pas arrêté de gâter les enfants et de nous offrir de la vodka !
Le lendemain matin nous sortons les moufles, le froid pique au nez. Les températures sont descendues très vite… il n’y a pas réellement d’automne en Mongolie, on est passé des sandales aux bottes de ski en l’espace de 10 jours. Le froid arrive par le nord et l’est, fin septembre il neige déjà partout et les températures y sont négatives… les touristes ne sont plus là et les retardataires fuient tous vers le désert de Gobi où l’on trouve encore des températures positives pour quelques semaines. Notre démarreur pourtant neuf au départ met 20minutes… puis le lendemain 30 minutes à faire son travail. On s’inquiète du froid et on décide de rentrer à Oulan-Bator pour s’approcher d’un garage et faire vérifier que tout fonctionne correctement. Magnifique route de retour de la Mongolie sous la neige. Nous y croisons de façon tout à fait improbable, et bien sûr au milieu de nulle part, Charlotte et Frédéric que nous avions rencontré sur le parking de l’Ayatollah Khomeiny en Iran ! Nous leurs avions proposé de rejoindre notre groupe Chine, ce qu’ils avaient finalement accepté ! Ils nous racontent aussi leurs déboires de visas : rentrés pour un mariage en Allemagne où ils sont résidents, ils en ont profité pour demander leurs visas chinois à Munich. Sans raisons donnée ils ont également été refusés ! Ils ont alors envoyé leurs passeports à une agence de visa à Berlin qui leur a proposé une toute autre stratégie : ne pas mentionner sur leurs documents qu’ils ont été en Turquie (ils avaient présenté leurs cartes d’identité pour ce pays et non leurs passeports restés vierges de tampons - pour les belges c’est impossible car ils doivent avoir un visa pour la Turquie… et sont donc obligés de présenter leur passeports). Ne pas mentionner non plus qu’ils vont entrer en Chine avec leur propre véhicule : ce genre d’information n’est pas notée sur le visa apparemment. Ils leur ont conseillé d’obtenir une lettre d’invitation privée, et non de présenter celle de l’agence chinoise, seule situation où l’on peut obtenir le visa sans montrer de billets d’avion ! Avec toutes ces précautions ils ont réussi à obtenir leurs visas à Berlin : les centres de visa ne communiquant donc pas entre eux…
Le soir même nous échouons devant le grand garage Mercedes d’Oulan-Bator qui consent à nous ouvrir la grille pour dormir sur leur parking à 21h. Nouveau problème… lorsqu’on cherche à allumer le chauffage une épaisse fumée blanche envahit la cellule accompagnée d’une forte odeur d’essence. Ayant bien trop peur que le tout prenne feu on l’éteint immédiatement et on se jette sur le poêle à bois. Loi des séries : le cadenas de notre réserve de bois refuse de céder : grippé par le sable des pistes que nous avons enchainées depuis 10 jours. Il y a des moments comme ça… où vraiment on se demande ce qu’on fait là !! Le gardien du parking a fini par nous prendre en pitié : il est allé chercher sa tronçonneuse pour le faire sauter ! Le lendemain ils découvrent qu’une pièce annexe de notre démarreur (un piston dans un cylindre) ne fonctionne pas. Ils mettront 2 jours à le réparer.
Nous sommes à 6 mois de voyage, la moitié théorique, et reste la grande question… que faire de la suite ?? A regarder la Mongolie sur une carte on s’aperçoit qu’il n’y a pas grand choix… que deux pays frontaliers… si on ne repart pas par la Chine il faut repartir vers la Russie. Forcés de construire un nouvel itinéraire nous pensons prendre la route vers Vladivostok, de là partent des ferrys vers la Corée du Sud et le Japon. Nous avons mis beaucoup de temps pour récolter toutes les informations nécessaires à la préparation de ce voyage pour ne pas nous trouver piégés par l’une ou l’autre règle ou information qui nous aurait échappé. Avec ce nouvel itinéraire nous ne sommes au courant de rien… nous devons avancer « à l’aveugle » et le risque est plus grand d’accumuler les problèmes… nous allons vite devoir nous mettre au parfum ! Après la Japon (si on y arrive)… qui sait ?
Profitant de la journée garage nous préparons donc les documents pour demander les visas russes, nous récupérons nos passeports à 18h et nous nous rendons le lendemain matin à l’ambassade de Russie. On nous annonce deux problèmes : les français peuvent demander un visa de tourisme à Oulan-Bator (donnant 30 jours dans le pays), mais pas les belges ! Ils ne peuvent demander qu’un visa de transit de 10 jours maximum. Or il y a 2850km pour rejoindre Vladivostok depuis la frontière mongole et nous sommes bien trop lents pour y arriver en 10 jours… Et, il faut 10 jours pour faire les visas, or notre extension de visa mongol expire dans 7 jours ! Nous expliquons tous nos déboires au Russe en face de nous qui a vite compris qu’il y avait matière à exception : nous avons obtenu un visa de tourisme promis 5 jours plus tard… nous laissant alors pile le temps de nous rendre à la frontière avant que notre visa mongol n’expire.
A vrai dire nous sommes ravis d’aller découvrir la Corée du sud et le Japon que nous étions frustrés de laisser de côté. Ce qui nous ravi moins, c’est de traverser la Sibérie en octobre… où les températures oscillent autour de -10°C ! Nous n’avions absolument pas prévu de passer un hiver dans le camion qui n’est pas isolé pour supporter le froid et nous n’avons pas de pneus neige. Une bonne partie de la semaine suivante est donc passée à nous équiper au marché : rouleaux de feutre - comme dans les yourtes - pour le sol. Nouveaux manteaux, chaussettes en poils de yack, bonnets en poils de chameau, bottes mongoles fourrées pour tout le monde… Nous avons aussi visité le musée des dinosaures dont une grande concentration, d’œufs en particulier, ont été retrouvés en Mongolie, et le grand monastère de Gandan avec sa statue géante. Le soir venu nous avons passé quelques belles soirées avec la communauté belge d’Oulan-Bator que nous avions rencontré au Trikstell, notamment avec Robert qui a monté sa chocolaterie « Golden Gobi » en Mongolie, Guy ancien brasseur qui nous a cuisiné un poulet, frite, compote, bière tout à fait délicieux, et sa femme Urnaa qui nous a proposé douches et lessives !
Visa russes en poches et toute la famille bien rassurée de nous sortir momentanément de nos déboires administratifs, nous faisons un check-up chez le dentiste et passons une dernière nuit à l’auberge Oasis pour profiter encore un peu d’une famille d’autrichiens ( http://www.akela.world/en/home/ ) que nous avions rencontré là lors d’un premier passage : Maria, Léandre et Lennox, leur petit si content de pouvoir jouer avec d’autres enfants ! Ils vont faire la même route que nous direction le Japon et nous ont donné plein d’informations sur ce nouvel itinéraire. Nous en avons aussi profité pour faire réparer notre chauffage (la prise d’air était tout simplement mal placée) juste avant de passer notre première nuit à -10°C !
Ainsi équipés, réparés, réorganisés, nous prenons la route de la frontière vers le nord et y arrivons à 14h30 le dernier jour de notre visa mongol. Garés devant la barrière de la douane à attendre qu’elle s’ouvre Nicolas et moi filons derrière dans la cellule pour ranger 2/3 bricoles en vue de la fouille. C’est là qu’arrive notre toute dernière mésaventure mongole : en regardant par la fenêtre Nicolas voit que le camion avance !!! Il se précipite dehors pour aller tirer le frein à main qu’il avait oublié !!! Le camion a fait 2 mètres vers l’avant défonçant les 2 barrière de douanes… qui ont fini par arrêter le camion avant nous ! Nous voilà partis pour 4h de constat… 35 euros d’amende pour avoir attaqué la douane (on regrette de ne pas avoir un document écrit de ce constat à encadrer), et 95 euros pour les réparations des deux barrières ! Et surtout… en sautant avec ses grosses nouvelles bottes Nicolas s’est fracturé un petit os du pied… résultat il a mal quand il appuie dessus, il boite… mais il peut toujours conduire ! Heureusement que la frontière est ouverte jour et nuit depuis 2/3 ans, nous arriverons finalement côté russe avec une nouvelle assurance en poche à 21h30 !
La photo de la douane avait été prise à l'arrivée... nous étions à la place du camion et les deux barrières (blanche et verte à gauche) sont maintenant très bancales...
Avec toutes ces aventures nous avons dû avorter un tour vers le nord au lac Khövsköl et la visite du grand ouest du pays et nous garderons de la Mongolie un souvenir mitigé : beaucoup de problèmes administratifs, de gros changements d’itinéraire à organiser, quelques problèmes mécaniques aussi, et finalement de santé ! Sans compter la frustration de ne pas être au rendez-vous avec notre groupe de Chine avec qui nous étions en contact depuis un an… nous sommes finalement 2 familles à ne pas être de la partie, nous et Yan et Sybille : leur moteur a finalement rendu l’âme sur les pistes mongoles. Après 3 semaines à chercher à le remplacer dans tous les sens ils ont finalement dû prendre la décision de renvoyer leur véhicule en France avec une société de transport et de continuer le périple sac au dos ! Nous sommes malgré tout très contents d’avoir pu rencontrer presque tout le monde au détour de l’un ou l’autre chemin en cours de route…
Que tous ces déboires n’entachent pas l’image du pays, extrêmement accueillant, où nous avons aussi fait de belles rencontres, et où, surtout, les paysages sont uniques. La marque de l’homme y est très peu présente, à part dans les rares villes il n’y a pas de constructions en dur, ni de goudron, ni de clôtures, ni de fils électriques, ni de champs cultivés. Sur un territoire trois fois plus grand que la France en superficie, seuls 3 millions d’habitants vivent dans quelques yourtes qui parsèment les vallées (et la moitié vit à Oulan-Bator), les animaux sont tous en liberté, partout. Les paysages passent du vert, au jaune, à l’orange, parfois au rouge puis au blanc dans des paysages immenses où le regard porte à l’infini. Et dans le champ de vision, toujours l’immense ciel bleu !