Surprenant Kazakhstan!
Nous vous avions laissé à la « frontière-ke », comme diraient les belges, entre le Kirghizstan et le Kazakhstan (dite de Karkara), soit celle qui sépare le pays des montagnes de celui des steppes. Deux petites guérites où l’on tamponne nos passeports, pas de visa ni pour le pays de sortie, ni pour celui d’entrée, fouille rapide du camion des deux côtés, en trois quarts d’heure nous voilà passés (pour rappel : toujours à neuf dans la cabine avec Nolwenn notre invitée et nos deux auto-stoppeurs tchèques) à la recherche d’une ville assez grande pour trouver où changer de l’argent, acheter la carte sim locale et surtout trouver une assurance voiture qui, dans ce pays, est obligatoire.
Grâce au bon russe de nos tchèques nous trouvons rapidement les deux premiers mais la compagnie d’assurance la plus proche de la frontière semble avoir fermé. Nous allons devoir rouler deux jours sans assurance alors que les policiers sont réputés particulièrement appliqués à trouver de quoi poser des amendes…
Nous nous arrêtons au Canyon Sharyn, l’une des curiosités naturelles du pays qui rappelle son grand frère américain, et arrivons pile au moment où le coucher du soleil rougit les pierres. Le lendemain nous entamons la balade pour descendre au fond mais les 40°C nous assomment et nous assoiffent, nous remontons au bout d’une bonne heure, avant d’avoir atteint la rivière.
Arrivés à temps à Almaty (l’ancienne capitale et la deuxième plus grande ville du pays) pour que Nolwenn puisse avoir son avion, nous sommes contents de rester dans une grande ville pour essuyer deux journées intendance : trouver enfin à s’assurer, gros ménage du camion (à sept pendant dix jours on a quand même besoin d’un grand coup de nettoyage), vraies douches dans une auberge de jeunesse, machines de linge, obtention du visa mongol auprès de leur ambassade, grosses courses… nous avons même tenté de résoudre nos problèmes d’amortisseurs mais les pièces sont restées introuvables.
Remise à niveau d’autant plus nécessaire que nous attendons l’arrivée de notre deuxième invitée, Laetitia, deux jours plus tard ! Enfin là avec les 30kg de bagages qui l’accompagnent nous sommes au complet pour découvrir la ville : très verte, rues larges, des trottoirs, magasins achalandés à côté des bazars traditionnels, un immense musée des beaux-arts. Dès le premier jour nous avons sympathisé avec une autre maman qui gardait ses filles dans un parc, elle nous a immédiatement invité chez elle, et avec ses amies, pour un « Beshbarmak » : LE plat national kazakh à base de cheval mariné sur un lit de pâtes qui ressemblent à des lasagnes ! Assez méfiants au départ nous devons avouer que c’était absolument délicieux !
Nous avons également testé les « bains » locaux : salles privatives avec pièces de repos, de massage, douches, sauna… en fait de massage nous n’avons pour le coup pas été assez méfiants ! Nous sommes passés par les mains d’une matrone qui avait dû se jurer de nous disloquer, elle a failli nous rendre handicapés en nous écrasant toutes les vertèbres, une dangereuse qui se vengeait sûrement de quelque chose d’affreux ! On a gardé des séquelles de bleus et autres mouvements rendus impossibles ou douloureux pendant une dizaine de jours… Nicolas a tout de même osé l’étape suivante : se faire fouetter avec des bouquets de branches et feuilles de bouleau, dans un sauna, par une autre matrone qui a pris soin d’enfiler gants et cagoule en laine avant d’entrer… le tout pour finir sous un baquet d’eau glacée.
Bien revigorés nous partons donc en direction du Parc National Altyn Emel dans lequel se trouve une « Dune Chantante ». Persuadés qu’il n’y a probablement pas grand-chose de « chantant » à cette dune, nous sommes tout de même impressionnés par sa taille à l’arrivée, et testons le « chant ». Il faut s’assoir et se laisser glisser… rapidement nous vivons une sensation inconnue jusque là : on entend un grand vrombissement assez sourd qui résonne comme un moteur d’avion !
A ce stade nous hésitons à rejoindre la Russie par la route de l’ouest mais nous nous décidons finalement à rebrousser chemin pour attraper la route de la capitale : Astana, où se tient actuellement l’exposition universelle – le détour représentant 1300km. Premier arrêt en chemin sur le site des pétroglyphes de Tamgaly, classé au patrimoine mondial de l’Unesco : plus de 4.000 gravures sur les pierres d’un site sacré depuis l’âge de bronze. Les enfants ont adoré se promener à la recherche de l’un ou l’autre dessin parfois bien caché, parfois recouvrant des pans entiers de roches ! A la différence de Lascaux où l’on visite un fac-simile, on peut ici toucher du doigt des originaux ce qui rend la visite autrement plus émouvante…
C’est ce même jour que nous avons fêté les 6ans de notre dernière, Baba, au milieu de la steppe et sans âme qui vive à des centaines de kilomètres à la ronde. Elle avait commandé un repas de pâtes au pesto avec du parmesan et de gâteau à la fraise. Heureusement que nous avions prévu le coup, faisant convoyer de France la précieuse sauce par Laetitia, et ayant trouvé LE gâteau dans un supermarché avant de quitter Almaty !
Nous parvenons ensuite au lac Balkash qui se situe au centre du pays, et qui est désormais le plus grand devant la fonte de la mer d’Aral, trouvant à nous baigner dans son eau opaque. Garés près de la plage - artificielle et jonchée de détritus - nous barbotons à côté des plaisanciers russes venus pour la douceur du climat. Entre les yourtes et autres vaches qui décorent le sable nos enfants se lancent dans une ambitieuse aventure : « Et si on construisait une mosquée de sable ? » Nous y laissons notre invitée qui repart en avion vers Almaty puis vers la France et continuons vers Karaganda qui se trouve sur la route de la capitale.
La ville est tristement célèbre pour son immense goulag de Karlag (le diminutif de Karaganda Goulag) dont le centre de commandement se trouvait à Dolinka à la périphérie de la ville, et qui s’étendait en différents sites vers le sud, sur un territoire équivalent à celui de la France. La visite du lieu nous aura permis de réviser l’histoire des purges Staliniennes et de l’occupation russe en Asie Centrale, mesurant à la fois l’apport de cette occupation mais aussi l’atrocité à partir de laquelle elle s’est installée.
Arrivés enfin à Astana, après des centaines de kilomètres de plat et de vide (peu de constructions, très peu de villes, pas de cultures, pas un arbre) nous découvrons, ébahis, la nouvelle capitale de Président Nazarbaev qu’il veut futuriste grâce à l’argent du pétrole dont regorge le sous-sol kazakh. Des bâtiments contemporains de tous côtés scintillent et font le même effet que lorsqu’on arrive à Las Vegas ! Cherchant à diner vers 22h nous trouvons un immense centre commercial grouillant de monde !
Nous nous jetons d’abord sur l’exposition universelle sur le thème des énergies du futur : passionnant, la boule centrale comprend un musée sur les énergies et, en plus des pavillons exposant les bonnes pratiques de chaque pays, un pavillon entier est consacré aux solutions qui sont déjà à l’œuvre sur le marché.
Nous poursuivons le lendemain avec la visite d’Astana : centres commerciaux géants avec piscine et attractions à l’intérieur (Zara et H&M sont de -bref- retour), musées gigantesques, bâtiments impressionnants, œuvres d’art contemporaines partout ! Le niveau de vie y est clairement plus élevé que dans tout le reste de l’Asie Centrale et comparable à celui d’un Européen.
En sortant de la ville nous retrouvons bien vite le quotidien auquel nous nous étions habitués : routes défoncées, vendeurs à la sauvette, maisons très rustiques et délabrées… et le plat des steppes. Encore 800km à ce régime au travers de la zone qui servait aux essais nucléaires russes (la visite du site précis est possible mais nous avons consciencieusement évité, les doses de radioactivité faisant encore des dégâts auprès de la population locale) avant d’arriver à Semeï : ville dans laquelle Dostoïevski a été exilé. L’avantage des longues routes kazakhes est que nous aurons particulièrement bien avancé au niveau scolaire, heureusement qu’il y avait la classe pour s’occuper ! Parenthèse au sujet des longues routes : les policiers qui cherchent des noises aux étrangers semblent avoir disparus. Nous n’avons pas été arrêtés une seule fois, sans doute l’effet « exposition universelle » y est-il pour quelque chose mais peut-être le changement d'attitude sera-t-il pérenne ?
Dernier bivouac près de la frontière où notre voisin du jour nous invite pour le thé au petit-déjeuner. N’en revenant pas d’avoir des touristes au bout de son potager il appelait ses copains rien que pour qu’on leur dise un vrai « Hello » au téléphone ! En fait de petit-déjeuner sa femme nous a servi toute les productions de leur ferme : fromage ressemblant a du « cottage cheese », raviolis à la crème, salade de concombre et tomates à la mayonnaise, tartines de pain au miel, et du kurt : des petites boules de fromage de chèvre très sèches et acides que l’on trouve depuis l’Iran et que personne de chez nous ne parvient à avaler. Nous sommes repartis les bras chargés de cadeaux : un costume traditionnel kazakh en souvenir, du bon lait de ferme, des pots de cassis congelés et bien sûr… une bonne dizaine de kurts ! Sans atteindre le légendaire accueil Iranien nous avons été davantage sollicités, questionnés, invités par des personnes attentionnées et bienveillantes ici que dans les autres « -stans ».
Anecdote amusante : une journaliste ayant vu notre camion dans Almaty nous a contacté via le blog pour écrire un petit article sur notre virée et pour recueillir nos impressions sur le Kazakhstan ! Nous n’avons pas encore vu le produit fini mais quelques feuilles en cyrillique doivent nous être dédiées quelque part… Quant à nos impressions : outre l’accueil chaleureux et immédiat, nous avons insisté sur le développement global du pays (bon réseau internet partout), et en particulier des grandes villes, ainsi que sur le nombre de sites touristiques ayant de l’intérêt. A vrai dire nous ne savions pas grand chose sur ce pays avant d’y être entrés et avons été assez positivement surpris !