Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu

Publié le par Johanna

A huit heures, un camion turc et nous sommes les seuls à passer les grilles de la frontière de Bajgiran, encore mal réveillés par la sonnerie qui nous a levé tôt pour la cinquième fois depuis le début du voyage.

 

Un visa touristique turkmène oblige à prendre un guide, à payer tous les frais d’hébergement et de nourriture pour lui, ce qui rendrait la traversée du pays extrêmement onéreuse. Nous optons donc comme presque tous ceux qui suivent cette route pour un visa de transit qui nous donne cinq journées pour rejoindre l’Ouzbékistan, et dont une matinée est gaspillée d’avance au passage de la frontière. Pour nous occuper nous avons compté les douze guérites par lesquelles nous sommes passés (y compris le médecin qui demande si on a de la fièvre… et le vétérinaire…).

 

Le premier visage est celui d’une blonde qui me dit en anglais parfait que je peux enlever mon foulard ! Le portrait du Leader Suprême iranien est troqué par le portrait du Président (le seul qui peut se présenter aux élections du pays) Gourbangouly Berdymoukhamedov, qui, depuis 2007 a remplacé le dictateur précédent.

 

Nous avons payé 5 dollars par enfant et 10 dollars par adulte de taxe d’entrée (moins que ce qui était annoncé), changé des dollars en manats auprès de la dame qui s’occupe de la caisse (nous avons compris bien plus tard que le taux était celui du marché noir !!! Deux fois plus intéressant que celui que nous avons eu ensuite…). Payé une autre taxe de 20 dollars pour laquelle on a reçu un bon en Turkmène, et payé encore 106 dollars pour une compensation de fuel, l’assurance et une désinfection. Sur le reçu il était écrit 102 dollars… le douanier expliquant que les 4 dollars restants étaient des « tips ». Nicolas a commencé par dire « I don’t know this word »… jusqu’à ce qu’ils lui écrivent et qu’ils lui expliquent que c’est comme quand on arrondit la note au restaurant, pour qu’il comprenne bien.

 

Après 2h de papiers vient le moment de la fouille du camion à laquelle seul Nicolas peut assister. Il patiente pendant les 30min de fouille du camion turc : sa cabine est soulevée, le camion est monté sur un pont pour être observé en dessous, des pans de carlingue sont déboulonnés, et sa bouteille de gaz ainsi que son extincteur sont démontés pour être passés au scanner ! Pour nous 15min auront suffi, sans lever la cabine, ils tapent sur les parois, passent la main dans toutes les caisses et placards (y compris le bac à linge sale), regardent dans tous les contenants (dont les toilettes), vérifient la portée de nos jumelles et talkies walkies.

 

Nous sommes ensuite envoyés sur la route de la capitale, à 35km du poste, pour une désinfection qui n’aura jamais lieu (pas non plus de scanner pour nous). Sur la route, et suite aux injonctions répétées de ne pas prendre de photos, nous avons repéré dans un décor de toute beauté deux troupeaux de gazelles, dont un qui est passé devant nos roues, ainsi qu’un troupeau de chevaux et un de dromadaires.

 

A 12h30 nous atteignons la capitale étrange et surréaliste d’Achgabat. Poussé comme une ville américaine sans passé au milieu du désert, les immenses bâtiments sans vie blancs et or constituent le centre administratif du pays. Tout est grand, léché, carré… quelques âmes s’activent à la maintenir ainsi. Rares sont les gens qui marchent en rue, personne n’a le pas empressé, les voitures roulent lentement, sont toutes propres. Impossible de se garer sur le bas-côté ou de traverser la rue en plein milieu. On ne fume pas en public, ne jette pas un papier parterre, ne touche pas aux vitres toutes impeccables, ne klaxonne pas, officiellement on ne prend pas de photos. Un policier à chaque carrefour veille… Ce qui contribue à cette ambiance est sans doute aussi le fait qu’il n’y a ni publicités, ni affiches ou noms de magasins nulle part. Les bâtiments ont tous un titre gravé d’or en Turkmène mais vu de l’extérieur on ne peut distinguer un café, d’un supermarché, d’un musée ou d’une banque. Seules décorations : des éclairages de toutes les couleurs le soir et, sur écrans géants un peu partout dans la ville, apparaît une photo du président surexposée déguisé ici en sportif, là en berger ou militaire, ailleurs posant à cheval sur un des précieux pur-sangs que comptent les écuries présidentielles, etc.

 

 

Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu

Par contraste dans cette ville « moderne », les femmes aux visages ronds et yeux légèrement bridés sont presque toutes en tenue traditionnelle : très élégantes en robes longues, majoritairement de velours rouge, ajustées à la taille, avec une encolure brodée qui descend jusqu’au nombril, fermée par une broche d’argent. Elles sont maquillées, coiffées de deux longues tresses et portent soit une calotte brodée quand elles sont mariées, soit un foulard fleuri monté sur une mousse haute et carrée et noué dans la nuque. Elles tiennent régulièrement une ombrelle pour se protéger des 42°C ambiants et se promènent en talons.

 

 

Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu

Après un tour de ville nous nous arrêtons au marché russe pour faire quelques courses : immédiatement impressionnés par la diversité alimentaire dont l’Iran nous a un peu privé ! Plein de produits laitiers (Philadelphia, camembert, fromage bleu), de fruits et légumes, des viandes différentes, des samossas, tourtes, pains variés. Produits importés de Russie à l’alphabet cyrillique, dont du caviar à 12 centimes d’euros le gramme ! Nous avons aussi déniché du lait de chameau… après avoir fait des crêpes au lait de chèvre et aux œufs d’oie en Iran nous avons tenté les crêpes avec cette trouvaille : exactement le même goût qu’avec du lait de vache !

 

 

Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu

Nous faisons le choix de ne pas acheter de carte sim locale pour cinq jours et sommes donc privés d’internet depuis la frontière. Nous terminons donc l’après-midi au Sofitel pour sa connexion wifi, tentant de mettre à jour le blog après la censure iranienne, et de donner quelques nouvelles à nos familles via Watssap. Nous découvrons qu’Overblog est toujours censuré (autant en Iran on était prévenus, autant ici c’est une surprise), et que Watssap est censuré en prime ! Le VPN hotspotshield téléchargé sur téléphone à Bruxelles a tout de même réussi à contourner la censure Watssap, mais toujours pas celle d’Overblog. On apprend rapidement que tout ce que l’on écrirait (message watssap ou mail) serait lu dans un ministère quelque part. A chaque fois que nous avons dû poser une question notre interlocuteur s’est précipité sur son téléphone pour demander plus haut quoi répondre…

 

Conseillés par les hôtesses d’accueil du Sofitel nous laissons le Truck sur un terrain vague derrière l’hôtel et allons en taxi dans un restaurant traditionnel Turkmène. Installés dans une yourte nous voilà à goûter notre premier plov (riz pilaf accompagné de viande, ici du poulet) et des mantis (raviolis au mouton avec de la crème aigre), mais on a aussi craqué pour un plat de frites !

 

 

Garés à quelques pas du musée des beaux-arts nous décidons de le visiter le lendemain. Bonnes surprises : il a une belle section d’art Turkmène - des tableaux et tapisseries assez modernes qui mettent en avant les différents aspects culturels du pays, et surtout nous tombons au moment d’une fête en l’honneur de l’amitié Turkmène-Tadjik ! Des couturiers tadjiks exposent et un orchestre traditionnel est de la partie, les invitées en tenue de soirée se sont mises à danser pour l’évènement.

 

 

Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu

Après ces réjouissances nous quittons cette ville bizarre en passant au travers de maisons toutes identiques et bien alignées pour traverser le désert du Karakoum au centre du pays. Le désert est le plus chaud d’Asie Centrale et la route est réputée en mauvais état. Pour les quelques premiers kilomètres nous avons droit à une berne centrale qui disparait assez rapidement pour laisser la place à une vieille bande de goudron léchée par les dunes. Nicolas a jonglé pendant 6h à 40°C entre les ornières, sillons, bourrelets, gravats, et conducteurs qui arrivent en sens inverse pour nous mener à Darvaza avec une simple pause à Yerbent : village perdu au milieu des dunes, il compte quelques yourtes et constructions en dur, des vieux camions rouillés, des dromadaires, des gens qui se cachent… et un café grouillant de criquets.

 

 

Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu

A l’arrivée nous tentons la piste qui mène au fameux cratère de feu surnommé « Porte de l’Enfer » mais sommes rapidement rattrapés par deux motards locaux qui nous font comprendre que nous ne passerons pas avec le camion. Ils nous mènent à leur cahute pour qu’on y laisse le Truck et nous prennent sur leurs motos pour les 7km de piste ensablée restante, nous soulageant au passage de 28 dollars.

 

19h… nous découvrons le cratère avec encore quelques minutes de jour avant de le voir changer de couleur au crépuscule puis pour la nuit. Spectacle impressionnant que ce trou béant de 60m de large qui brûle sans cesse au milieu du désert. Suite à une erreur de forage le gaz s’échappe et se consume en permanence. Nous y dinons quelques tomates au sel et notre caviar du marché russe avec du pain et rentrons à la nuit tombée dormir dans notre Truck.

 

 

Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu

Le lendemain les motards et famille nous invitent pour le café matinal avant de s’occuper de leur troupeau de mouton. Nous les aidons à la première tâche laborieuse du jour : mettre les bêtes dans l’enclos alors qu’elles sont résolument décidées à ne pas y entrer. Une bonne heure plus tard et tout le monde en nage commence la tonte ! Tous aident à tel point que les bergers s’appliquent à la découpe d’une peau pour nous l’offrir ! La matinée se termine autour d’un plov maison à déguster tous ensemble… chacun plongeant sa main droite dans un plat commun de riz, mouton confit et un truc jaune non identifié, le tout absolument délicieux.

 

 

Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu

Nous reprenons les 6h de route toujours aussi laborieuse, même peut-être encore pire (travaux en cours en sus), pour rejoindre la ville de Dasoguz où nous échouons dans un minuscule restaurant conseillé par notre Lonely. Soupe au mouton et brochettes grillées au repas… un des propriétaires veut nous inviter à dormir là mais nous déclinons, trop fatigués pour assumer une fin de soirée à baragouiner en russo-turkmène-anglais-gestes-dessins après ces deux jours de route.

 

 

 

 

Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu

Garés sur le seul parking repéré dans la ville nous découvrons le lendemain que nous sommes en fait sur le parking du bazar des pièces détachées automobiles ! Nicolas en profite pour chercher un altimètre (aucun succès, le Turkménistan est tout plat) et on le renseigne sur un plus gros marché où l’on se fait conduire. Gigantesque bazar sur deux pâtés de maisons où l’on trouve de tout, nous avons finalement jeté notre dévolu sur un chapeau traditionnel de berger turkmène… si peu encombrant ! Nous avons surtout dû nous faire aux toilettes publiques locales: et là on passe encore un cap supplémentaire. Nous sommes depuis déjà longtemps au régime toilettes « à la turque » avec notre propre papier emporté partout, ici il n’y a carrément plus de porte du tout !!! On entre et tombe sur une série de gens accroupis, et/ou qui se nettoient à l’eau, séparés par des panneaux de bois latéraux qui arrivent aux épaules… On a rapidement mis le cap vers le dernier spot de la rangée en se disant que l’endroit limiterait, de fait, le passage…

Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu

Après quelques heures de route supplémentaires nous arrivons à Kounya-Ourguentch, dernière ville avant la frontière Ouzbèke, classée au patrimoine mondial de l’Unesco pour ses constructions qui datent du XIIème siècle, ancienne capitale du Kharezm : plusieurs mausolés, mosquées et un minaret assez impressionnant sont restés debout malgré la mise à sac du mongol Gengis Khan en 1221.

 

 

Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu
Turkménistan : capitale étrange et cratère de feu

Nos cinq jours Turkmènes se terminent nous laissant l’impression d’un pays étrange dans lequel nous sommes contents d’avoir pu séjourner un peu. Il nous aura rapidement fait quitter l’ambiance Iranienne pour trouver celle bien différente de l’Asie Centrale où nous allons rester pour deux mois encore… Prochaine étape l'Ouzbékistan!

Publié dans Turkménistan

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B
Que de beauté dans ces paysages traversés, sur vos visages et ceux des gens rencontrés. Merci de nous les partager. Bonne(s) route(s) à chacun. Biz
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A
merci vraiment pour ce petit bout de chemin parcouru en votre compagnie.<br /> bises à vous tous<br /> arnaud
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G
Love those hats! I'm really enjoying reading about your travels!<br /> Grant
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