Azéris et Kurdes

Publié le par Johanna

Check-list:

  • Passeports et visas (pas le plus simple à obtenir mais ça s’améliore d’année en année)

  • « Carnet de passage » pour le Truck

  • Permis internationaux

  • Applications pour contourner la censure web (VPN) à télécharger avant de rentrer dans le pays (comme font tous les Iraniens) (ATTENTION : le nôtre n’a pas été suffisant pour passer outre le filtre de notre hébergeur de blog ! Plusieurs connaisseurs d’internet cafés s’y sont cassés les dents, nous avons donc dû nous résoudre à vous faire exagérément patienter… sans nouvelles !!! En espérant que le rattrapage ne soit pas trop pénible…)

  • Autant d’argent en euros ou dollars qu’il nous faudra en Iran (absolument impossible de retirer de l’argent dans le pays avec une carte autre que nationale)

  • Tenue vestimentaire légale (couleurs sobres et unies pour les habits, vêtements larges, « tunique » qui tombe mi-cuisses, chevilles couvertes, manches à mi-bras, évidemment pas de décolleté, et le voile)

  • Itinéraire précis à donner à la frontière

  • Vider l’alcool… ou le planquer selon les tempéraments…

  • Veiller à arriver les réservoirs de diesel vides (de l’autre côté c’est vraiment donné : 0,13 euros le litre !)

  • De la patience bien sûr

Bon nous voilà prêts à rentrer en Iran !

15h30. Arrivés à la frontière on nous réserve d’emblée un très bon accueil. Personne ne parle anglais. Petit problème : impossible de remettre la main sur le papier que l’on avait imprimé avec le Visa turc de Nicolas… sans doute a-t-il fini en dessin ou découpage dans une poubelle quelque part. Or les douaniers le réclament aussi. Parlementations, chef, bon pas de problème on nous laisse passer. Dans la file, le médecin Iranien qui était devant nous prévient : « J’espère vraiment que vous n’avez pas d’alcool, en ville vous faites ce que vous voulez mais ici à la douane ça ne rigole pas ! ». Nicolas retourne au camion mettre à la poubelle la dernière Chouffe planquée dans mes vêtements. De là on nous sépare, je passe d’un côté avec les enfants, il prend la file des voitures. Nous les femmes et enfants traversons en 15 minutes après quelques tampons supplémentaires. Nicolas a pris plus de temps avec les papiers du camion, deux types se sont progressivement incrustés pour l’aider sans se présenter. Deux douaniers sont rentrés et ont regardé le coin cuisine, le frigo, sous les couettes… et c’est tout. Ils ont posé des questions sur l’alcool en jouant aux « sympas » et nous ont juste demandé le point de sortie d’Iran.

Un civil sur place, qui, lui, parle très bien anglais, propose d’emblée de changer euros ou dollars en rials. Il fait un taux entre le taux officiel et le marché noir (fortement déconseillé dans ce pays), on change donc une partie des dollars emportés depuis Bruxelles.

Un des deux «accompagnants» monte dans le véhicule et nous dit qu’il va nous montrer où prendre l’assurance. On nous fait avancer sans nous rendre notre carnet de passage… son acolyte nous rejoint quelques mètres plus loin sur le bas-côté avec notre carnet de passage sous le bras et ils nous annoncent « C’est 60 dollars pour vous avoir aider ». On s’insurge, hors de question, on ne leur a rien demandé ! Il nous rend le carnet, le premier bonhomme reste dans la voiture et nous mène à l’endroit où prendre l’assurance quelques mètres plus bas, nous pilote aux bons endroits et mène les palabres : 200 dollars pour 45 jours. Aucun prix affiché nulle part. On paie et se dirige vers la sortie avec les documents - intégralement en Farsi, chiffres compris - sous le bras. Il insiste pour qu’on le rémunère de sa peine arguant qu’il a passé du temps pour nous, ce qui est vrai. On craque pour 20 dollars, à partager avec son copain qui avait rappliqué entre temps.

A peine sortis on cherche un endroit pour acheter une carte sim locale dans les boutiques qui longent la route. Le commerçant trouvé offre d’emblée un jus à Colomban et commence par prendre des selfies avec lui avant qu’on ne lui ait demandé quoi que ce soit… Il nous faudra une demi-heure au bas mot, donner plein d’informations (dont le prénom de mon père !), signer, contre signer, laisser nos empreintes digitales (re-!) pour qu’il nous vende une carte sim et active trois gigas pour une quinzaine d’euros.

17h30… ah non, 19h… il y a 1h30 de décalage horaire avec la Turquie… nous voilà enfin prêts à découvrir l’Iran !

On roule 2h avant de se poser près d’une plaine de jeux dans un village sur la route de la splendide Vallée de l’Aras qui longe l’Azerbaïdjan et l’Arménie au Nord. Chaque virage nous tient en haleine tant le spectacle est magnifique. On suit du regard le Mont Ararat sur lequel l’arche de Noé se serait posée, donnant son nom à la province voisine d’Azerbaïdjan : Nakhitchevan (en Arménien : gens du navire). Cette route donne aussi l’occasion de rencontrer les éleveurs de ver à soie, les cocons sont produits dans la région avant d’être envoyés dans les « grandes » villes de Tabriz ou Jolfa pour être transformés en tapis. Puis on longe le territoire des apiculteurs, qui, le printemps venu logent en tente près de leurs ruches.

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Courageusement nous avons osé nos 5 premiers km à flan de colline sur une route étroite et sinueuse pour atteindre le village de Oshtubin, vanté par notre guide comme étant resté « dans son jus » et vierge de touristes. Effectivement, c’est un bond de cent ans en arrière qui nous attendait… les villageois vivent au milieu de leurs animaux qui occupent le rez-de chaussée des habitations et qui déambulent dans les rues. A l’étage les parois chaulées accueillent peu de meubles et des tapis, dans la pièce à vivre sèchent menthe, coriandre ou fleurs à thé. Dans la rue circulent les hommes à dos d’ânes qui partent conduire leurs troupeaux au milieu de quelques camionnettes bleues. Les femmes travaillent la laine pour faire des matelas et le soir venu traient les vaches dans de petites étables irrespirables. Nous avons été l’attraction de la journée… avec la simple traversée du village nous sommes repartis les bras chargés de cadeaux ! Le soir venu nous avons accueilli un jeune fiancé, Reza, qui avait très envie d’être invité à diner, il a offert quelque chose à chacun, nous a montré comment réhydrater le pain galette qui se vend partout, et nous a fait écouter de la musique Azéri.

 

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Heureusement l’ensemble des panneaux routiers sont écrits dans les deux langues… en revanche la connaissance de l’anglais est globalement très faible, voire inexistante en dehors des grandes villes. Google traduction nous aide beaucoup moins qu’en Turquie: il n’y a pas non plus de réseau internet en dehors des grandes villes, et la traduction est donnée en Farsi - impossible donc de la lire ou d’apprendre de nouveaux mots pour nous. Nous avons rapidement téléchargé le clavier Farsi pour que nos interlocuteurs (lettrés… pour les autres il fallait en outre trouver un lecteur ou un scribe) puissent aussi nous noter des bouts de phrases. Comme en Turquie nous avons rapidement retenu « Bonjour », « Merci » et « Très beau » qui sont les trois mots que l’on utilise le plus souvent, avec « Belgique » et « Docteur urgences ». Pour le reste tout se passe en langue des signes et devinettes…

La première question est presque toujours « What’s your idea about Iran ? ». Les iraniens sont très soucieux, voire inquiets de leur image et, d’après eux, leurs médias font passer le message que les américains ont convaincu le reste du monde qu’ils étaient des terroristes. Difficile d’expliquer (en langue des signes toujours) que ce n’est pas tant le terrorisme qui nous inquiète mais plutôt les règles à suivre dans le pays, qui pour nous relèvent du manque de libertés, ou encore le rapport entre l’homme et la femme, qui pour nous est bien différent. Dans le nord du pays, et dans les zones plus rurales, les genres vivent à part, femmes dans les maisons, hommes dans les rues et les cafés. On ne me sert pas la main (excepté si je la tends… et encore), on s’adresse toujours à Nicolas d’abord - et régulièrement ensuite aussi.

Après avoir traversé les rizières donnant le si délicieux riz Iranien (de loin le meilleur que l’on ait gouté, le grain est particulièrement long, il se détache parfaitement, est très tendre et savoureux) nous avons bivouaqué à Ahar. Nous déambulions tranquillement dans le centre lorsqu’un commerçant nous a amené LE professeur d’anglais à la retraite de la ville… Hossein nous a expliqué qu’il était très heureux de pouvoir nous parler car, à 65 ans, c’était sa première vraie conversation en anglais avec des étrangers ! Il nous a également mis en contact avec son propre professeur qui habite Tabriz, la ville vers laquelle nous nous dirigions.

 

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Garés devant le très agréable parc Elgoli de Tabriz, c’est donc Youssef qui nous a rejoint, tout content également de pouvoir avoir une conversation en anglais, de pouvoir parler en toute franchise (fait apparemment impossible entre compatriotes) et de nous montrer sa ville. Sites internet et guides touristiques nous déconseillent de parler de politique ou de religion… or nous n’avons pas parlé d’autre chose… Malheureusement impossible ici de rendre compte de cette conversation mais elle ne manquait pas d’humour désabusé. Emerveillés par le magnifique Bazar millénaire nous sommes ensuite rentrés en bus : hommes devant, femmes écrabouillées derrière (même pour les couples mariés), pour terminer la soirée dans une des si agréables Tea House Iraniennes.

 

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Nous avons ensuite opté pour un détour vers le lac salé et presque entièrement asséché d’Orumiyeh le temps d’un pique-nique (les iraniens pique-niquent en nombre tout le temps et partout, il y a des abris à pique-nique dans tous les parcs autant que dans des endroits isolés et comme ici… improbables) terminé par une tranche de surprenante pastèque jaune. Continuant vers le sud nous quittons le territoire des Azeris pour rejoindre celui des Kurdes.

 

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En route nous remarquons une concentration anormale de voitures, hommes en costumes particulièrement propres… femmes apprêtées. Arrêt pour demander ce qui se passe : mariage ! On nous invite immédiatement, nous fait rentrer dans une cour bondée de monde en costumes traditionnels et on nous tend des repas… Nous repartirons deux heures plus tard en ayant assisté aux danses coutumières pour ce genre d’évènement ! Sortis de cette cérémonie nous découvrons les ruines de Takht-e-Soleyman un des plus gros monument Zoroastrian (religion préislamique encore pratiquée par 20.000 personnes en Iran qui, pour résumer, se dévouent aux éléments de la nature) construit autour d’un petit lac volcanique. Les iraniens nous prendront finalement plus en photo que le monument… nous avons essuyé une file pour nous parler sur le parking et la soirée s’est terminée en thé pique-nique improvisé sur le côté (après avoir vidé trois voitures de tapis, chauffe-gaz, pastèques, thé, fromages et narghilé) : nous avions refusé l’invitation à diner (à deux heures de routes de là) ! Deuxième moment mémorable du jour où Mahmud, le plus ancien de la famille, nous a chanté de joie… Les Kurdes sont réputés particulièrement accueillants, même selon le standard iranien, ce que nous avons largement vérifié !

 

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Dernière étape avant la capitale à Qazvin, où nous avons finalement garé notre truck devant le mausolée du fils de l’Imam Reza (personne extrêmement importante en Iran… on y reviendra plus tard…). Le gardien s’est précipité sur nous pour nous faire une visite guidée du lieu (très scintillant), nous vanter les mérites de sa ville, puis de l’Iran, nous donner plusieurs de ses livres (certains avec des traductions en anglais… d’autres non), et nous faire venir un de ses copains propriétaire de calèche pour qu’il nous fasse faire un petit tour… Le lendemain nous sommes partis en quête d’un hammam (finalement sans succès) et avons rencontré tour à tour une femme assez pieuse fière de nous montrer l’école maternelle où les enfants récitaient le coran, et de jeunes étudiants à l’université qui nous ont expliqué comment fonctionnait la police des mœurs. La spécialité de Qazvin est le Qimeh Nasar : du bœuf mijoté à la cannelle, zeste d’oranges confites, citron, amandes, canneberges, servi avec du riz c’est particulièrement délicieux !

 

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A un mois et demi du départ chaque jour nous réserve de nouvelles découvertes… en ajoutant toute la mécanique de l’intendance le rythme reste assez soutenu, nous avons toujours quelque chose à faire : lire le guide touristique (pas eu le temps de lire la moindre ligne avant de partir), accompagner les enfants dans leur travail scolaire, corriger leurs feuilles (beurk), ranger, faire les lessives, cuisiner, gérer la recharge des tablettes/pc/téléphones, remplir les jerricans d’eau, remettre des copeaux pour les toilettes, vider le seau (re-beurk), allumer le gaz à l’extérieur du camion, discuter avec les gens (particulièrement nombreux à nous aborder sans cesse en Iran), trouver un spot pour dormir, écrire pour le blog, faire les comptes, visiter une ville, trier les photos, fermer le gaz, conduire, réparer un truc, se laver, changer de l’argent, trouver du pain, sortir la poubelle, filtrer l’eau, faire la vaisselle, accessoirement surveiller/s’occuper des enfants… la vie de Globe Truckers n’est pas de tout repos ! Mis à part à Istanbul où nous avons passé trois nuits au même endroit nous avons chaque jour changé de bivouac et n’avons encore jamais mis les pieds dans un camping. Nous serons donc contents de nous arrêter de nouveau pour quelques jours à Téhéran…

Publié dans Iran

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E
Et bien les amis, quelle densité d'aventures. Si on met cela en rapport avec une semaine à Evere...<br /> La gentillesse des Iraniens ne se dément pas. Et comment percoivent ils les Belges et les Francais ?<br /> Avez vous vu les Iraniens à la station service qui oublient d'arrêter la pompe ? Le riz me rappelle des souvenirs de restaurant afghan à Islamabad.<br /> Bises à tous<br /> Emmanuel
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J
On sent le vécu commun! Les iraniens adorent belges et français... mais leur préférence va aux allemands! Bonne semaine à Evere et rue des Eburons!
S
Quel beau récit et les photos sont magnifiques<br /> Ça fait vraimenr rêver....<br /> Bonne continuation dans cette belle aventure.<br /> Bisous de Bruxelles.<br /> Soumia
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